Il n’y a plus que le droit qui puisse faire avancer la cause des migrants à Calais. C’est en tout cas ce qu’estiment les associations qui, chaque jour, sont empêchées de venir en aide aux 500 ou 600 exilés qui se terrent là pour tenter la nuit de passer en Grande-Bretagne. Vendredi matin, onze ONG, dont les « historiques » du Calaisis, et plusieurs dizaines de migrants, devaient déposer conjointement un référé-liberté qui sera examiné par le tribunal administratif de Lille dans les prochains jours.

Alors que le défenseur des droits, Jacques Toubon, s’est inquiété mercredi d’atteintes aux droits « d’une exceptionnelle et inédite gravité » à Calais, parlant de « conditions de vie inhumaines », voire de « traque », les associations demandent prioritairement la reconstitution d’un lieu d’accueil et une meilleure prise en charge des nombreux mineurs qui errent en périphérie de la ville.

Au-delà, les associations souhaitent a minima pouvoir disposer d’un centre de distribution alimentaire, de points d’eau potable en nombre suffisant et de douches afin que les besoins les plus élémentaires des hommes, femmes et enfants ne soient plus niés. Ce référé-liberté aimerait donc obtenir que l’administration (plus particulièrement l’Etat et la commune) soient contraintes à mettre à disposition des exilés un service de distribution de repas. 

Tenir compte des besoins élémentaires

Depuis l’évacuation du bidonville de la Lande fin octobre 2016, les pouvoirs publics font en effet la sourde oreille aux demandes des associatifs, chaque jour confrontés à des arrivées plus nombreuses. A la fin de la « jungle », en octobre 2016, 4 000 repas étaient servis chaque jour par l’Etat. D’un jour à l’autre, ils ont été supprimés, laissant penser que les migrants ne revenaient pas à Calais, qui reste le point de passage le plus aisé et le plus direct vers la Grande-Bretagne.

En mars, un arrêté de la municipalité avait même interdit les distributions de repas en ville par les associations, par le biais d’un arrêté. Une fois ce texte cassé par les tribunaux, la stratégie d’empêchement a changé et les policiers ont accentué leur harcèlement sur les associations qui distribuaient eau et nourriture deux fois par jour.

Le 31 mai, la distribution du midi a même été interdite – y compris d’eau potable – et celle du soir limitée à une heure. Depuis, c’est une église qui sert de point de ralliement en milieu de journée. Les forces de police – qui ont encerclé le lieu le premier jour – se tiennent à distance depuis que le curé a rappelé urbi et orbi que les migrants étaient ses invités. Cependant, la situation reste précaire.

L’idée des associations et des migrants requérants est donc de demander au juge des référés d’enjoindre les pouvoirs publics à ouvrir un lieu dans lequel l’Etat (et non plus les seules associations) pourrait assurer une distribution de repas, conformément à l’obligation qui est la sienne de tenir compte des besoins élémentaires des exilés.

« Déni d’humanité »

Côté sanitaire, tout est aussi une nouvelle fois à reconstruire. Le Secours catholique, qui avait temporairement installé des douches dans la cour d’un immeuble lui appartenant, a dû fermer ce lieu début mai. Avant cela, du temps de la « jungle », l’Etat et la Ville de Calais avaient été conjointement condamnés à ouvrir des points d’eau et des sanitaires. Une affaire qui avait occasionné une polémique entre le Défenseur des droits et l’Etat, sur le nombre de robinets. L’Etat et la Ville avaient été condamnés par le Conseil d’Etat en novembre 2015, avant que Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’intérieur, ne fasse exécuter les travaux nécessaires à la reconnaissance d’un semblant d’humanité.

Dans le référé déposé vendredi, les associations souhaitent à nouveau la création d’un lieu qui pourrait regrouper la distribution de nourriture et l’accès à une hygiène minimale. Un espace sanctuarisé, c’est-à-dire fermé à la police, où les exilés pourraient venir se restaurer sans être menacés d’interpellation et où ils pourraient rencontrer des membres d’associations ou de l’Office français de l’immigration et de l’intégration afin de bénéficier d’informations sur leurs droits et leur situation.

L’Auberge des migrants, La cabane juridique, Care4Calais, la Cimade, Gynécologie sans frontières, Help refugees, Le réveil voyageur, Salam, le Secours catholique - Caritas France, Utopia 56 et la Ligue des droits de l’homme sont les signataires de ce texte. Tous rappellent dans un communiqué que « le déni de réalité et le déni d’humanité ne constituent pas une politique ». Ils souhaitent alerter les pouvoirs publics, alors que le nouvel exécutif s’installe tout juste autour d’un chef de l’Etat dont les déclarations, quand il était candidat à la présidentielle, avaient laissé espérer un accueil plus humain des réfugiés.