En Corse, la bataille navale repart de plus belle
En Corse, la bataille navale repart de plus belle
LE MONDE ECONOMIE
Le leader Corsica Ferries et son challenger Moby lancent chacun un nouveau bateau
Un navire aux couleurs de Corsica Ferries, au large de Porto-Vecchio, en mai 2016. | PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP
Qui va remporter la nouvelle bataille corse ? Alors que débute la saison touristique, les cinq compagnies qui assurent la navette entre l’île et le continent se préparent à une compétition particulièrement âpre. Le leader Corsica Ferries et son petit rival Moby Lines lancent chacun un nouveau bateau. Corsica Linea, la société née en 2016 sur les cendres de la SNCM, entend bien accélérer, après son redémarrage réussi. Mais La Méridionale et Blu Navy n’ont pas dit leur dernier mot. Tous espèrent profiter de la légère reprise du marché, qui a progressé de 0,8 % en 2016 après cinq ans de baisse.
Première étape, très symbolique, de cette confrontation estivale : jeudi 15 juin, Corsica Ferries inaugure officiellement son nouveau navire, appelé Pascal Lota, en hommage au fondateur de la compagnie, mort en 2016. Ce ferry sorti en 2008 des chantiers italiens de Fincantieri a été acheté d’occasion auprès de la compagnie estonienne Tallink, puis adapté aux spécificités de Corsica Ferries, notamment en ajoutant des cabines pour les traversées de nuit. « Au total, cela a représenté 100 millions d’euros d’investissement », précise Pierre Mattei, le patron de l’entreprise.
Une dépense justifiée à ses yeux. « Ce bateau correspond exactement à nos besoins, juge M. Mattei. Sa longueur juste inférieure à 180 mètres permet d’accoster à Bastia. Il peut embarquer 2 080 passagers et 700 véhicules. C’est le plus moderne de notre flotte, qui compte maintenant 13 navires. »
Pendant la crise du transport maritime, à partir de 2008, Corsica Ferries et ses concurrents avaient freiné leurs investissements et cessé d’acheter des bateaux. Leur flotte vieillissait dangereusement. Aujourd’hui, la Méditerranée est de nouveau en vogue, et les compagnies relancent des projets.
« Les clients sont de retour »
L’enjeu est particulièrement important pour Corsica Ferries, qui domine le marché des passagers avec 76 % du trafic et vient de changer d’actionnaire : après le décès de Pascal Lota, ses trois filles ont vendu leurs parts dans la holding familiale suisse à M. Mattei et une partie de ses cadres. Leur frère Frédéric a contesté l’opération et proposé de reprendre la barre. Sans succès. « Il garde ses 25 %, mais c’est désormais moi qui contrôle l’entreprise », précise M. Mattei.
Parallèlement à Corsica Ferries, qui s’est offert successivement deux navires de taille voisine, le Mega Andrea et le Pascal Lota, l’italien Moby Lines vient de mettre en service un ferry capable d’accueillir 1 638 passagers. Ce Moby Dada a lui aussi été récupéré d’occasion dans le nord de l’Europe, et sa coque a été redécorée. Moby, le plus petit des acteurs du marché, espère ainsi continuer à gagner du terrain en Corse, où son trafic a grimpé de 27 % en 2016, selon l’Observatoire régional des transports de la Corse.
« Malgré les coups de peinture de nos concurrents, nous gardons la flotte la plus jeune, et de loin », rétorque Pierre-Antoine Villanova, le directeur général de Corsica Linea. La société montée par une quinzaine d’entrepreneurs corses est en pleine relance après la reprise en 2016 de ce qui restait de la Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM).
« Les clients sont de retour, le personnel a repris confiance, et notre chiffre d’affaires devrait passer de 170 millions à 190 millions d’euros cette année, affirme M. Villanova. Nous avons dix-huit mois d’avance sur notre plan de route ! »
La compagnie, qui estime assurer 15 % du transport maritime de passagers avec la Corse et 40 % de celui de marchandises, réfléchit elle aussi à se doter de nouveaux bateaux.
Autant dire que la compétition s’annonce vive. Entre marins. Mais surtout avec les compagnies aériennes. Avec l’essor du low cost, l’avion a vu sa part dans le transport de passagers grimper depuis 2010 d’environ 38 % à 48 %, rognant d’autant la place des compagnies maritimes. La reconquête reste à mener.
Le contexte
La délégation de service public (DSP) pour le transport maritime entre la Corse et Marseille constitue l’autre bataille du moment sur l’île de Beauté. Un appel d’offres est en cours pour la période allant d’octobre 2017 à juin 2019. Celui qui l’emportera recevra d’importantes subventions pour effectuer sa mission, de façon très encadrée. Comme à chaque fois, Corsica Ferries a remis une offre, de même que le duo Corsica Linea-La Méridionale. Jusqu’à présent, Corsica Ferries n’a jamais gagné cette compétition, la délégation restant aux mains de la SNCM et de la compagnie qui lui a succédé. En ira-t-il différemment cette fois-ci ? Décision en juillet.