Au Portugal, « la plus grande tragédie sur le front des incendies de forêt »

Le Portugal est sous le choc. Des dizaines de voitures calcinées, des corps brûlés étendus sur la route, des maisons réduites en cendres, des forêts dévastées, des champs calcinés… L’incendie qui a ravagé la commune de Pedrogao Grande, dans la région de Leiria, au Portugal est « la plus grande tragédie que nous ayons connue ces dernières années sur le front des incendies de forêt », a déclaré le premier ministre portugais, Antonio Costa, samedi 17 juin. Au moins 62 personnes sont mortes et 54 ont été blessées par les flammes. Un bilan provisoire qui pourrait s’alourdir. Dimanche, le feu était toujours actif sur quatre fronts, dont deux particulièrement difficiles, et plusieurs villages demeuraient inaccessibles.

« Un véritable enfer »

Le récit de la nuit de samedi à dimanche est dantesque. C’est celui d’« un véritable enfer », comme l’a défini Valdemar Alves, le maire de Pedrogao Grande. Samedi 17 juin, le feu s’est déclaré peu avant 15 heures (16 heures à Paris) dans une zone montagneuse du district de Leiria, recouverte d’eucalyptus et de pins. Sur la route nationale 236, qui unit Figueiro dos Vinhos et Castanheira de Pera, les voitures sont encerclées par les flammes. Au moins trente personnes meurent à l’intérieur de leurs véhicules, prises au piège. Dix-sept corps seront retrouvés sur la chaussée, non loin de leur voiture, rattrapés par les flammes alors qu’elles tentaient de fuir. Des familles entières n’ont pas pu échapper à la propagation rapide du feu. Dans le village de Figueiro dos Vinhos, plus d’une centaine de personnes ont été évacuées. Au moins cinq pompiers sont blessés.

L’enquête pour déterminer les causes de l’incendie est toujours en cours, mais la piste criminelle est a priori écartée. « L’information récupérée jusqu’à présent sur l’endroit du drame nous permet de penser, avec un fort degré de certitude, que la cause est un éclair qui a atteint un arbre », a assuré le directeur national adjoint de la police judiciaire Pedro do Carmo, dimanche 18 juin.

Des « vents incontrôlés » ont transformé un feu de faible intensité en un « incendie impossible à contrôler », a tenté de résumer le secrétaire d’Etat pour les affaires intérieures, Joao Gomes, tout en affirmant que la manière, dont se sont propagées les flammes, ne s’explique pas.

Des véhicules officiels sur l’autoroute IC8, à proximité des flammes, près de Pedrogao Grande (Portugal), le 18 juin 2017. | MIGUEL VIDAL / REUTERS

Des températures records ces derniers mois

Pour le responsable de la campagne forestière de Greenpeace Espagne et Portugal, Miguel Angel Soto, il est fort probable que ce soient les températures élevées qui soient responsables de la vitesse de la propagation des flammes. « Il semble que les principaux ingrédients de la règle du 30, celle qui rend un incendie incontrôlable, étaient réunis : un taux d’humidité de moins de 30 %, des vents de plus de 30 km/h et des températures de plus de 30 °C », déclare-t-il au Monde. « En montant, l’air chaud provoque des vents latéraux et des changements de direction imprévisibles qui font que les flammes entourent toute la zone. Dans des conditions climatiques extrêmes comme celles que nous vivons, un incendie normal devient vite incontrôlable. A cela s’ajoute aussi le peu d’entretien des forêts, dans des zones rurales abandonnées et, dans ce cas précis, l’abondance de pins. »

Il faisait effectivement très chaud, ce samedi 17 juin. Les thermomètres frôlaient les 40 °C dans plusieurs régions de la péninsule Ibérique, placée sous alerte canicule depuis le 14 juin en Espagne. Aux températures exceptionnelles de juin, s’ajoutent les températures élevées de mars, avril et mai et surtout le manque de pluie qui explique que la végétation présente déjà un important déficit d’humidité. Les barrages espagnols sont à la moitié de leur capacité alors que l’été n’a pas encore commencé et le ministère de l’agriculture a annoncé des mesures contre la sécheresse.

« Cela fait la troisième année consécutive de phénomènes météorologiques exceptionnels depuis 2015, mais cette année est bien plus grave encore que les précédentes », affirme Miguel Angel Soto pour qui le changement climatique n’est pas responsable des incendies, mais peut l’être de leur intensité, de leur vitesse de propagation et de l’impossibilité de les contrôler.

L’an dernier, le Portugal avait été durement touché par une vague d’incendies qui avaient dévasté plus de 100 000 hectares. Sur l’île touristique de Madère, où les feux ont fait trois morts en août 2016, 5 400 hectares étaient partis en fumée.

Dimanche, plus de 800 pompiers, 257 véhicules et trois Canadairs étaient encore mobilisés pour lutter contre l’incendie. Deux Canadairs espagnols ont aussi été dépêchés sur place dimanche matin dans le cadre d’une collaboration bilatérale, et trois avions anti-incendie français, dans le cadre du mécanisme européen de protection civile.

Le président de la République, Marcelo Rebelo de Sousa, a assuré qu’étant donné les conditions, « ce qui a été fait est le maximum de ce qui pouvait être fait ». Le pays a décrété trois jours de deuil national en hommage aux victimes.