Merkel soutient Macron dans sa volonté de réformer la zone euro
Angela Merkel soutient Emmanuel Macron dans sa volonté de réformer la zone euro
Par Thomas Wieder (Berlin, correspondant)
Dans un discours devant des industriels à Berlin, mardi, la chancelière allemande a notamment jugé possible la piste d’un « ministre commun des finances ».
La chancelière allemande Angela Merkel à Berlin, le 20 juin. | HANNIBAL HANSCHKE / REUTERS
A deux jours d’un conseil européen important à double titre – parce qu’il coïncide avec le début des négociations sur le Brexit et qu’il est le premier auquel assistera Emmanuel Macron depuis son élection – Angela Merkel a réaffirmé qu’elle était prête à discuter des propositions du nouveau président français en faveur du renforcement de la zone euro.
« Nous pouvons très bien réfléchir à un ministre commun des finances », a notamment déclaré la chancelière allemande, mardi 20 juin, devant un parterre de chefs d’entreprise réunis, à Berlin, à l’occasion de la Journée de l’industrie allemande. « Nous pouvons très bien réfléchir à un budget de la zone euro, s’il est clair qu’il sert à en renforcer la structure générale et à faire des choses qui ont du sens », a-t-elle poursuivi.
Sur le fond, les propos de Mme Merkel ne sont pas nouveaux. Ils s’inscrivent dans la droite ligne de ceux qu’elle a prononcés lors de la première conférence de presse qu’elle a tenue aux côtés de M. Macron, quand celui-ci a été reçu à la chancellerie, le 15 mai, au lendemain de son entrée à l’Elysée. En cela, ils confirment sa volonté de voir aboutir les travaux engagés par le groupe de travail constitué après l’élection de ce dernier et chargé de faire des « propositions concrètes pour progresser dans l’intégration de la zone euro ».
Un groupe de travail qui devra remettre ses conclusions avant le prochain conseil des ministres franco-allemand, prévu le 13 juillet à Paris, et qui est censé faire des propositions dans quatre domaines : la « convergence fiscale » (avec, pour « priorité », la question de l’impôt sur les sociétés), la « coordination des politiques économiques », les « initiatives qui peuvent être prises en matière d’investissements », et « l’accélération du chantier institutionnel », thème cher à M. Macron, dont le programme prévoit « un budget de la zone euro voté par un Parlement de la zone euro et exécuté par un ministre de l’économie et des finances de la zone euro ».
Avant tout une conservatrice allemande
Quarante-huit heures après le second tour des élections législatives françaises, les dernières déclarations de Mme Merkel n’ont cependant rien de fortuit. Pour la chancelière, dont le plus proche collaborateur, Peter Altmaier, a tweeté, dimanche soir, en français, « Félicitation cordiale », avant d’ajouter, en allemand, « la France a maintenant un président fort avec une majorité forte au Parlement. Bon pour l’Europe et pour l’Allemagne », le message est clair : face au nouveau président français, qui se présente comme le champion de la « refondation » de l’Europe, Berlin n’entend pas apparaître en retrait, mais compte bien au contraire participer pleinement à cette « impulsion », selon le terme employé par Mme Merkel, le 15 mai, lors de sa rencontre avec M. Macron.
En cela, les dernières déclarations de la chancelière doivent être interprétées comme « un signe de sa volonté d’aller de l’avant et du fait que ces nouvelles avancées ne peuvent se faire que dans la coopération très étroite avec la France », décrypte une source gouvernementale allemande. « Il y a la conviction, à Berlin, que la dynamique ne peut se faire qu’à partir d’un accord très fort entre l’Allemagne et la France, même si, à terme, l’idée n’est pas de rester dans le pur franco-allemand et que la réflexion sur l’approfondissement de la zone euro doit être élargie à d’autres pays », poursuit cette dernière.
Reste à évaluer la portée exacte des propos de Mme Merkel. A trois mois des élections législatives allemandes du 24 septembre, lors desquelles elle briguera un quatrième mandat de chancelière, celle-ci a manifestement l’intention de ne pas laisser son adversaire, le social-démocrate Martin Schulz, profiter de son statut d’ancien président du Parlement européen pour se présenter comme le seul défenseur d’une politique européenne ambitieuse.
D’un autre côté, Mme Merkel, que les sondages donnent largement favorite, sait qu’elle ne peut s’avancer sur ce terrain qu’avec prudence. D’où sans doute le fait qu’elle ait tenu à préciser, mardi, que la création d’un poste de ministre des finances de la zone euro ne pourrait se faire « que si certaines conditions sont remplies ».
La formule est elliptique mais, selon un haut fonctionnaire allemand proche du dossier, elle signifie clairement que « ce pas en avant dans l’intégration de la zone euro ne peut se faire que si tous les partenaires sont sérieux, en particulier sur le plan budgétaire ». Une façon de dire que, si Mme Merkel se montre aujourd’hui ouverte à relance de la dynamique européenne, y compris en acceptant une révision des traités, comme elle l’a laissé entendre le 15 mai, elle reste avant tout une conservatrice allemande. Autrement dit une dirigeante soucieuse avant tout, pour le moment, de ne prendre aucune initiative susceptible de froisser son électorat et de mettre en péril ses chances de se faire réélire à l’automne.