GM&S : la menace de liquidation se rapproche
GM&S : la menace de liquidation se rapproche
LE MONDE ECONOMIE
Malgré la mobilisation de l’Etat, aucune offre n’a été remise pour sauver l’équipementier de la Creuse.
Manifestation des salariés de GM&S devant le ministère de l’économie, à Paris, le 16 juin. | Jean Pierre NGUYEN / MAXPPP
Emmanuel Macron s’était montré honnête : « Madame, je ne suis pas le Père Noël », avait répondu le nouveau président de la République à une femme qui l’interpellait, le 9 juin, à Bellac (Haute-Vienne), une des communes touchées par les difficultés de l’équipementier automobile GM&S. A ce stade, la mobilisation exceptionnelle de l’Etat pour sauver cette grosse PME de la Creuse n’a effectivement pas suffi.
Faute de candidat assez motivé, l’entreprise, à l’arrêt total depuis le 13 juin, risque de plus en plus la liquidation. C’est la solution que compte préconiser l’administrateur judiciaire lors de l’audience du tribunal de commerce de Poitiers prévue vendredi 23 juin. Si les juges suivent cette recommandation, les 277 salariés seront tous licenciés. Soucieux d’éviter un premier gros échec industriel et social, M. Macron et son ministre de l’économie, Bruno Le Maire, ne désespèrent pas, cependant, que le tribunal renonce à une liquidation immédiate et accorde un nouveau délai aux hypothétiques candidats.
« Un vrai coup de massue »
A La Souterraine, le bourg de la Creuse où se trouve l’unique usine de GM&S, les salariés espéraient ces jours derniers que l’activisme politique et la mise en place d’une cellule de crise exceptionnelle à l’Elysée permettraient de trouver une solution pour la société en dépôt de bilan. Sous la pression, PSA et Renault, les principaux clients, qui avaient beaucoup baissé leurs commandes ces dernières années, ont effectivement accepté de les remonter un peu, de façon à assurer un chiffre d’affaires annuel d’au moins 25 millions d’euros. Et, en quelques semaines, une soixantaine de repreneurs possibles ont été contactés par les services de l’Etat. Plusieurs semblaient intéressés, comme l’industriel français GMD, qui suit l’affaire de longue date, mais aussi l’équipementier indien Samvardhana Motherson, ou encore l’homme d’affaires Jean-Jacques Frey, reçu à Bercy.
Après plusieurs reports, les candidats avaient jusqu’à mardi 20 juin au soir pour remettre leurs offres. Mercredi matin, lors de la rencontre entre le personnel et la direction, le décompte a été rapide : un seul candidat, GMD, a confirmé son intérêt. Tous les autres ont abandonné. « Un vrai coup de massue », résume le délégué CGT Jean-Marc Ducourtioux.
« Pas de chèque en blanc »
La déception a surtout été nourrie par la faiblesse de la candidature de GMD. Ce groupe, spécialisé comme GM&S dans l’emboutissage, mais aussi la fonderie et la plasturgie, n’a pas remis d’offre en bonne et due forme, indiquent des sources concordantes. Alain Martineau, son président et actionnaire majoritaire, s’est contenté d’un courriel de quelques phrases, évoquant la reprise de 110 à 120 personnes, sur les 277 salariés actuels, et proposant un plan d’investissement de 10 millions d’euros sur cinq ans.
Le patron de GMD reconnaît que plusieurs conditions qu’il avait posées au rachat de GM&S ont été levées. Les pouvoirs publics ont fait en sorte que le repreneur n’ait pas à financer la dépollution du site, ni à payer un énorme loyer pour les bâtiments. Mais une condition reste problématique : pour GMD, pas question de se lancer dans une telle acquisition sans adhésion du personnel.
Or, pour l’heure, « M. Martineau n’a pas notre confiance », reconnaissent les élus. Pour les syndicats, difficile en effet de soutenir un candidat qui ne garderait que 110 à 120 personnes, là où ils jugent qu’au moins 240 salariés devraient être repris. Le comportement du patron de GMD les laisse également sceptiques. « Envoyer un mail de 4 phrases comme il l’a fait, c’est se moquer du monde !, s’exclame M. Ducourtioux. Il dit qu’il s’intéresse au dossier, mais ne semble pas vouloir y aller vraiment. C’est la troisième fois en quelques années qu’il tourne autour de nous, sans jamais aller au-delà de la lettre d’intention. On ne peut pas lui faire un chèque en blanc. »
Un échec collectif
Les responsables politiques ne lâchent pas prise pour autant. « Techniquement, GMD n’avait pas le temps de présenter un dossier complet, mais il nous a promis de remettre sous peu une offre ferme », affirme-t-on dans l’entourage de Bruno Le Maire, qui mise sur un nouveau délai de la part de la justice. Quelques jours, ou quelques semaines. Cela permettrait aux pouvoirs publics de tenter de convaincre les syndicats de soutenir l’offre de GMD. Une rencontre avec les élus du personnel est déjà prévue ce jeudi matin à Bercy. « Mieux vaut sauver 110 ou 120 emplois qu’aucun, plaide-t-on au ministère. Si les syndicats l’empêchent, ils en porteront la responsabilité. »
Quelle que soit l’issue exacte et le nombre de salariés licenciés, l’affaire GMS restera comme un échec collectif. Depuis des années, l’usine de « La Sout’» est identifiée par les pouvoirs publics, les syndicats et les constructeurs comme un maillon faible de la filière automobile. « Cela fait dix ans que je les connais, et c’est un exemple de ce qui ne marche pas dans notre industrie », commente Philippe Martinez, le patron de la CGT. Au fil des ans, l’usine a changé d’actionnaires à de nombreuses reprises, pour tomber entre les mains de repreneurs adoubés par les constructeurs, mais qui se sont révélés des « patrons voyous » ou sans moyens et n’ont pas tenu leurs promesses. Les investissements nécessaires n’ont pas été effectués. Les clients se sont désengagés en mettant en place d’autres sources d’approvisionnement. Ne reste plus qu’une usine déficitaire et un peu abandonnée, au cœur d’une zone rurale. Difficile à sauver, même pour le Père Noël.