Le G5 Sahel, une force antiterroriste balbutiante
Le G5 Sahel, une force antiterroriste balbutiante
Par Christophe Châtelot (Bamako, envoyé spécial)
Regroupant cinq pays du Sahel, cette force conjointe de 5 000 hommes doit être officiellement lancée dimanche à Bamako, en présence d’Emmanuel Macron.
Le président français Emmanuel Macron et le président malien, Ibrahim Boubacar Keita, rencontrent les troupes de Barkhane, à Gao, dans le nord du Mali, le 19 mai. | CHRISTOPHE PETIT TESSON / AFP
Vingt ans après l’apparition sur la scène djihadiste d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), cinq pays du Sahel tentent d’unir leurs forces pour lutter conjointement contre les groupes terroristes qui sautent par-dessus leurs frontières pour les frapper au cœur. Dimanche 2 juillet, à Bamako, les chefs d’Etat de la Mauritanie, du Niger, du Mali, du Burkina Faso et du Tchad, pays les plus touchés de la région par ce phénomène et réunis au sein du « G5 Sahel », lanceront officiellement une force conjointe de 5 000 hommes, la FC-G5S, en présence du président français, Emmanuel Macron, à Bamako.
Une étape qualifiée de « décisive » par l’Elysée pour cette initiative encore embryonnaire, soutenue à bout de bras par la France, très engagée militairement dans cette région. Depuis l’élection de M. Macron, Paris est à la manœuvre pour tenter de donner corps à cette force qui viendrait épauler les casques bleus de la Minusma et l’opération française Barkhane consacrée à la lutte antiterroriste au Sahel. Le G5, créé en novembre 2015, ne parvenait pas à dépasser le cadre d’une structure consultative jusqu’à présent.
Barkhane, une opération coûteuse
Paris insiste sur la complémentarité des différentes forces et contredit ceux qui lui prêtent l’intention d’y trouver là une voie de sortie pour une coûteuse opération Barkhane (800 millions d’euros par an) qui donne des signes d’ensablement au Mali. Un retrait prématuré serait un signe d’échec au regard de l’instabilité actuelle de cette zone qu’elle est censée sécuriser, aux côtés de la mission des Nations unies, la Minusma, et des armées nationales.
Ainsi, c’est la France qui a porté la résolution 2 359 votée le 21 juin à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU, négociant pied à pied avec les Etats-Unis. Le résultat est inférieur aux espérances, notamment sur la question du financement et d’un mandat onusien pour la FC-G5S, deux points refusés par Washington. Mais ce texte – par lequel l’ONU « accueille avec satisfaction le déploiement de la FC-G5S (…) en vue de rétablir la paix et la sécurité dans la région du Sahel » – légitime a minima les futures opérations militaires des pays sahéliens.
Sur le fond, personne ne conteste la nécessité ni l’urgence de lutter contre les groupes djihadistes au Sahel qui se sont alliés en mars au sein du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jamaat Nusrat Al-Islam wal-Muslimin) dirigé par Iyad Ag-Ghali, l’ennemi public numéro un de la France dans la région et dans la mouvance d’Al-Qaida. Cela passe nécessairement par une meilleure implication des pays placés en première ligne. A ce sujet, Emmanuel Macron s’est également entretenu, jeudi, au téléphone avec le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, puissance régionale incontournable.
5 000 hommes dans un premier temps
Mais le G5 a-t-il les moyens de ses ambitions ? A priori, la réponse est non. Certes, la guerre contre Boko Haram menée conjointement par le Cameroun, le Nigeria et le Niger depuis 2015 nourrit leur expérience commune. Mais elle a aussi montré ses limites. La secte islamiste nigériane est contenue, mais elle est loin d’avoir rendu les armes.
Les objectifs initiaux de la FC-G5S tiennent d’ailleurs compte de cette réalité. C’est vrai pour les effectifs. Le G5 s’engage à réunir 5 000 hommes, soit 1 000 hommes par pays et projette de les doubler à terme. Cela semble raisonnable. Mais pour citer un exemple comme le Tchad, ses soldats, les plus aguerris, sont déjà engagés contre Boko Haram, surveillent quelque 1 200 km de frontières explosives avec la Libye et participent à la Minusma, à laquelle les pays du G5 fournissent d’ailleurs plus de 40 % du contingent. Dans un entretien au Monde, le président tchadien, Idriss Déby, avertissait, fin juin, que son pays « ne peut pas avoir des forces dans le G5 Sahel et en même temps dans une autre mission sur le même théâtre ».
A la question des effectifs, s’ajoute celle « du niveau de formation et d’équipements, très disparate d’un pays à l’autre, sans parler de l’interopérabilité des différentes armées », rappelle-t-on dans l’entourage du président nigérien, Mahamadou Issoufou. La France en est consciente. L’Elysée insiste d’ailleurs pour que ce FC-G5S ne se constitue pas « au détriment des fondamentaux », en clair, de la formation et de la remise à niveau des armées nationales ; celle du Mali notamment est sortie laminée de la crise de 2013. La France promet donc « un soutien extrêmement important et des efforts additionnels significatifs ». A préciser.
« Le G5 Sahel, c’est un bataillon par pays avec un niveau d’équipement encore faible. C’est une priorité pour Barkhane de l’accompagner dans la durée, jusqu’à ce que la situation soit pacifiée », déclarait au Monde le ministre des affaires étrangères et ancien ministre des armées, Jean-Yves Le Drian. Pas question pour autant « d’augmenter les effectifs de Barkhane mais plutôt de planifier davantage d’opérations conjointes régulières avec le FC-G5S », explique-t-on à l’Elysée.
Zone des trois frontières
Des opérations d’appui – en parallèle aux actions militaires 100 % françaises – qui devraient, dans un premier temps, se limiter à la zone où se croisent les trois frontières Mali-Niger-Burkina Faso. C’est là que se concentre, ces derniers mois, l’essentiel de l’activité des djihadistes qui ont attaqué plusieurs casernes et provoqué de lourdes pertes.
Mais toute cette architecture dépend des financements qui, pour le moment, font défaut. Les pays du G5 sont parmi les plus pauvres du monde. Paris promet des « équipements » et de l’encadrement sur le terrain. Déboutée par les Etats-Unis lors du débat sur la résolution 2359, la France annonce vouloir profiter de sa présidence du Conseil de sécurité, en octobre, pour remettre le dossier sur la table à New York.
En attendant, elle tente de convaincre d’autres pays européens (Allemagne, Belgique, Pays-Bas notamment) de mettre la main à la poche. L’Union européenne, elle, a promis 50 millions d’euros, soit 10 % seulement de la somme nécessaire pour commencer, selon certaines estimations.