Vibrations sans distinction au Son des cuivres
Vibrations sans distinction au Son des cuivres
Par Frédéric Potet (Mamers (Sarthe), envoyé spécial)
Dédié aux instruments dotés d’une embouchure, ce festival situé dans une petite commune de la Sarthe brasse tous azimuts, de la musique baroque à l’électro
Le corniste croate Radovan Vlatkovic, samedi 1er juillet à Mamers | @Sébastien Pichereau
À Mamers, petite ville de 5 300 habitants située dans le nord de la Sarthe, la vedette, chaque année, est une famille instrumentale. Depuis 2013, le Son des cuivres célèbre le saxophone, la trompette, le tuba, le trombone, le cornet, le cor, l’hélicon et tout autre instrument possédant une embouchure, qu’il soit de laiton ou de bois. Quatre jours de festival et une quinzaine de concerts (dont la moitié gratuits) offrent une programmation brassant large : du baroque à l’électro, en passant par le jazz, le funk, la soul, la musique contemporaine… Al McKay (ancien membre d’Earth, Wind & Fire), Electro Deluxe, les New-Yorkais de Lucky Chops, Michel Jonasz et le corniste croate Radovan Vlatkovic composent l’affiche de l’édition 2017 de cette manifestation au métissage revendiqué.
C’est au cours de ses nombreux voyages à l’étranger que Clément Saunier a eu l’idée de créer un événement dont la ligne directrice serait la transversalité et le décloisonnement. Ce lauréat de nombreux concours internationaux est depuis 2013 trompette solo au sein de l’Ensemble Intercontemporain (créé par Pierre Boulez). Il a également fondé un ensemble de musique de chambre, Trombamania, et un quintet de cuivres, le Paris Brass Quintet. « Ce genre de festival reposant sur la nature même de l’instrument, et non sur le style que l’on va jouer avec, existe dans de nombreux pays. Il y en a en Finlande, en Espagne ou aux États-Unis sous la forme de colloques d’instrumentistes. Il n’y en avait pas en France, en tout cas dans le domaine des cuivres », explique-t-il.
Le groupe new-yorkais Lucky Chops, vendredi 30 juin à Mamers | @Francois Jouanneaux
Tout musicien classique qu’il est au départ, le trompettiste n’a guère hésité à abolir les habitudes ayant cours dans son domaine, qui voit les programmations se construire autour d’un compositeur ou d’une époque précise. « Je m’ennuie au bout de trois concerts donnés dans un même style, avoue-t-il. J’ai conscience que proposer une ligne directrice comme celle du Son des cuivres peut perturber dans un pays où on adore coller des étiquettes. Mais cela peut plaire aussi à un autre type de public. » Signe de son succès, le festival a dû, cette année, installer un chapiteau à la jauge deux fois supérieure à celle de la salle où il se déroulait jusque-là, l’Espace Saugonna (500 places).
C’est parce qu’il connaissait le responsable de cet équipement, joueur à ses heures d’euphonium (tuba ténor), que Clément Saunier a installé à Mamers ce concept de manifestation dédiée aux vibrations cuivrées. Il n’aurait toutefois pu le faire s’il n’avait pas intégré le réseau de festivals mis sur pied par la Spedidam, une société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes créée en 1959. Celle-ci a l’obligation d’injecter 25 % des sommes générées par la copie privée dans le spectacle vivant. Elle a développé dans ce cadre un modèle artistique et économique de festivals musicaux, destiné à être implanté dans des petites et moyennes villes de province.
La batterie fanfare de la Garde Républicaine, samedi 1er juillet à Mamers | @Sébastien Pichereau
Le principe est simple : la Spedidam apporte une somme substantielle au tout départ (100 000 euros), qu’elle va diminuer progressivement au fil des années dans le but de passer entièrement le relais aux acteurs locaux – associatifs et institutionnels. « L’idée n’est pas d’arriver avec nos gros sabots en imposant nos choix dans un territoire donné, mais d’insuffler une dynamique à travers l’amorce d’un financement. Non seulement les collectivités publiques doivent également mettre la main à la poche, mais le positionnement artistique du festival – jazz, musique classique, chanson, électro… - doit rester dans le giron des bénévoles sur place », indique Guillaume Damerval, le directeur administratif et financier de la Spedidam.
Une douzaine de manifestations portent aujourd’hui le label de la société : le Festival Debussy d’Argenton-sur-Creuse (Indre), le Festival des Lumières de Montmorillon (Vienne), les Bulles sonores de Limoux (Aude), le Saveurs Jazz Festival de Segré (Maine-et-Loire)… L’ambition de la Spedidam est, à terme, de créer un festival dans chaque département français. Vaste projet qui repose de fait beaucoup sur la compétence des directeurs artistiques, qu’ils soient du cru ou pas comme Clément Saunier. Sa programmation, samedi 1er juillet, flattait les oreilles éprises de curiosité. Il fut ainsi possible d’écouter une pièce d’Olivier Messiaen (par Rodovan Vlatkovic), un thème de Harry Potter à l’école des sorciers de John Williams (par le quatuor HORNormes) ou encore de la musique militaire (par la batterie fanfare de la Garde républicaine).
Le quatuor HORNormes, samedi 1er juillet à Mamers | @Sébastien Pichereau
Le trompettiste ne compte pas en rester là. Dans son département natal, la Charente-Maritime, il a lancé il y a un an, toujours avec la Spedidam, un autre rassemblement consacré aux cuivres, le Surgères Brass Festival. Sa deuxième édition (20-23 juillet) proposera moins de diversité musicale qu’à Mamers, mais davantage de têtes d’affiche : Macéo Parker, Keziah Jones, Hugh Coltman (avec Ben l’Oncle Soul en invité), Roy Hargrove.