Affaire Grégory : Murielle Bolle entame une grève de la faim pour protester contre sa détention
Affaire Grégory : Murielle Bolle entame une grève de la faim pour protester contre sa détention
Le Monde.fr avec AFP
Mise en examen et écrouée depuis une semaine, cette femme qui avait accusé Bernard Laroche il y a plus de trente-deux ans, avant de se rétracter, « est très abattue », selon son avocat.
Murielle Bolle en 1986. | ÉRIC FEFERBERG / AFP
Témoin-clé de l’affaire Grégory en 1984, aujourd’hui soupçonnée d’enlèvement et placée en détention provisoire, Muriel Bolle a commencé jeudi 6 juillet à midi une grève de la faim pour « dire son innocence » et « protester contre son placement en détention », a fait savoir l’un de ses avocats.
Mise en examen et écrouée depuis une semaine, cette femme de 48 ans « est très abattue » et a des « pensées suicidaires », a précisé Me Christophe Ballorin, confirmant une information du quotidien régional Le Bien Public.
« Elle vit un calvaire, un cauchemar » en prison, où elle « est à l’isolement » pour sa propre protection, a ajouté son conseil, qui lui a rendu visite jeudi matin. « Elle ne peut pas sortir : ce sont des insultes, des cris de haine, des menaces de mort », décrit Me Ballorin, selon lequel « elle ne peut pas ouvrir sa fenêtre, alors qu’il fait chaud », sous peine de recevoir des verres d’eau des occupants de la cellule du dessus.
Sa rétractation éclair, il y a plus de trente-deux ans, après son témoignage accablant Bernard Laroche pour le rapt du garçon de 4 ans retrouvé mort dans la Vologne, est au cœur des investigations.
Demande de confrontation avec le cousin
Version définitive de l’arbre généalogique de la famille de Grégory Villemin. | Le Monde
Selon l’accusation, qui se base notamment sur un nouveau témoignage émanant d’un cousin, celle qui avait 15 ans à l’époque a été violentée par sa famille après l’inculpation de Laroche, ce qui serait à l’origine de sa volte-face.
« Nous demandons au plus vite la confrontation avec le cousin », dont le témoignage est « un tissu d’inepties », a poursuivi jeudi Me Ballorin, qui compte demander dans la foulée la remise en liberté de sa cliente. « C’est un mythomane, nous avons des éléments objectifs » pour le prouver, a-t-il assuré.
L’un de ces éléments porte notamment sur la présence, selon ce témoin, lors de la fameuse soirée où Murielle Bolle aurait été malmenée d’un avocat mort depuis, Me Paul Prompt. La défense assure pouvoir démontrer qu’il ne pouvait être là.
A la mi-juin, l’arrestation de Marcel et Jacqueline Jacob, grand-oncle et grand-tante de Grégory, avait relancé spectaculairement ce dossier des plus énigmatiques.
Soupçonnés d’être les fameux « corbeaux » de l’affaire et mis en examen pour enlèvement et séquestration suivie de mort, les deux septuagénaires, jamais inquiétés jusqu’alors, ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire strict.
De mai 1981 à juin 2017, toute l’affaire Grégory en quelques dates
Christine et Jean-Marie Villemin, les parents du petit Grégory, 4 ans, retrouvé noyé le 16 octobre 1984, pieds et poings liés dans la Vologne, sont assis, le 23 novembre 1984, à la table de leur salle à manger sur laquelle est posée une assiette à l’effigie de leur enfant. | ERIC FEFERBERG / AFP
De mai 1981 à mai 1983
Un mystérieux corbeau a harcelé Albert Villemin, le grand-père de Grégory, de centaines d’appels malveillants évoquant des secrets de famille.
16 octobre 1984
Le corbeau s’est ensuite tu, jusqu’au 16 octobre 1984 où, il a appelé Michel Villemin, oncle de Grégory, pour revendiquer l’assassinat du petit garçon moins d’une heure après sa disparition : « Je me suis vengé. J’ai pris le fils du “chef”. Je l’ai mis dans la Vologne. »
Grégory Villemin avait 4 ans et semblait assoupi quand les gendarmes ont repêché, vers 21 h 15, son petit corps vêtu d’un anorak bleu, pieds et poignets entravés par des cordelettes, plaqué contre un barrage de la Vologne, une rivière vosgienne.
Une lettre du corbeau arrivera le lendemain chez Jean-Marie Villemin, le père de Grégory : « J’espère que tu mourras de chagrin, le chef. Ce n’est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance, pauvre con. »
5 novembre 1984
Bernard Laroche, cousin germain de Jean-Marie Villemin, est arrêté et inculpé du meurtre de son neveu, Grégory, sur la foi des déclarations de sa belle-sœur, Murielle Bolle, alors âgée de 15 ans. Un temps incarcéré, il est remis en liberté le 4 février 1985.
29 mars 1985
Vers 12 h 30, Jean-Marie Villemin, jeune contremaître de 26 ans, convaincu qu’il tenait là le responsable de la mort de son fils Grégory, tue d’un coup de fusil Bernard Laroche, 30 ans, contremaître, lui aussi, dans une entreprise de tissage.
5 juillet 1985
Alors que son mari est inculpé de l’assassinat de Bernard Laroche, Christine Villemin, la mère de Grégory, est elle-même désignée comme un possible corbeau par des expertises graphologiques. Elle est inculpée et incarcérée. Libérée onze jours plus tard sous contrôle judiciaire, elle a bénéficié le 3 février 1993 d’un non-lieu retentissant pour « absence totale de charges ».
16 décembre 1993
Jean-Marie Villemin est condamné à cinq ans d’emprisonnement, dont un avec sursis, pour l’assassinat de Bernard Laroche. Ayant purgé l’essentiel de sa peine en détention préventive, il est libéré deux semaines plus tard.
1999
L’affaire a été rouverte en 1999, puis en 2008, pour tenter de confondre d’hypothétiques traces d’ADN sur les scellés.
2004
En février, la dépouille de Grégory est exhumée du cimetière de Lépanges et incinérée à Epinal, le couple Villemin ayant conservé la moitié des cendres. En juin, l’Etat est condamné à verser à chacun des époux Villemin 35 000 euros pour dysfonctionnement de la justice. Aujourd’hui âgés de 56 et 58 ans, ils sont installés en région parisienne et ont trois autres enfants.
Décembre 2008
Devançant la prescription de l’affaire qui s’annonçait pour avril 2011, Jean-Marie et Christine Villemin obtiennent de la cour d’appel de Dijon la réouverture de l’enquête pour de nouvelles recherches d’ADN, après l’échec des précédentes menées en 2000-2001.
2010
Michel Villemin, oncle de Grégory et frère de Jean-Marie, meurt.
2013
La mise au jour de nouvelles traces d’ADN sur les cordelettes ayant servi à entraver le corps de l’enfant relance l’affaire. Mais le procureur général de la cour d’appel de Dijon, Jean-Marie Beney, avait ensuite annoncé que les analyses effectuées ne permettaient pas de mettre un nom sur les profils des ADN relevés.
14 juin 2017
Soupçonnés de complicité d’assassinat, de non-dénonciation de crime, de non-assistance à personne en danger et d’abstention volontaire d’empêcher un crime, Marcel Jacob, l’oncle maternel de Jean-Marie Villemin, et son épouse, Jacqueline, septuagénaires, sont interpellés dans le village d’Aumontzey (Vosges), tandis que Ginette Villemin, veuve de Michel Villemin, est interpellée à Arches, à moins de 30 kilomètres de là. De leur côté, les grands-parents paternels de Grégory, Monique et Albert Villemin, sont entendus à leur domicile comme simples témoins en raison de leur grand âge et de l’état de santé de Mme Villemin. Parallèlement, Murielle Bolle est convoquée à la gendarmerie de Bruyères (Vosges), où elle a fait l’objet d’un prélèvement ADN avant de ressortir libre.
16 juin 2017
Jacqueline et Marcel Jacob, grand-tante et grand-oncle de Grégory Villemin, ont été mis en examen pour enlèvement et séquestration suivie de mort, trente-deux ans après le meurtre du garçon.