Nouveaux épisodes de la « guerre culturelle » au cœur de l’été américain
Nouveaux épisodes de la « guerre culturelle » au cœur de l’été américain
Par Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)
Au 1er juillet, dans plusieurs Etats, sont intervenus des changements de législation dans deux domaines particulièrement clivants : les armes à feu et le droit à l’avortement.
Un homme arbore un tee-shirt du lobby des armes, la National riffle association (NRA), à Manchester (New Hampshire, Etats-Unis), le 14 juin. | BRIAN SNYDER / REUTERS
LETTRE DE WASHINGTON
Le 1er juillet aux Etats-Unis, ce ne sont pas seulement les augmentations des taxes sur l’essence décrétées dans plusieurs Etats qui ont bousculé la torpeur caniculaire de ce début d’été. D’autres secteurs ont connu à cette date des changements de législation, amenant des millions d’Américains à vivre avec de nouvelles règles dans deux domaines quasi obsessionnels dans le pays : les armes à feu et le droit à l’avortement.
Globalement, les récentes réglementations empruntent sur ces sujets particulièrement clivants dans la société américaine des trajectoires diamétralement opposées : plus de souplesse pour les premières, plus de restrictions pour l’accès au second.
En Géorgie et au Kansas, le port d’armes est désormais autorisé sur les campus universitaires, jusque-là sanctuarisés comme c’est le cas dans la plupart des Etats. La mise en place de cette mesure sur le campus de l’université d’Austin (Texas) avait déclenché des manifestations à la rentrée 2016.
Extension du 2e amendement de la Constitution
De leur côté, les habitants du Tennessee pourront désormais déambuler armés dans davantage d’endroits publics, parcs et stations de bus. Tandis que dans l’Iowa l’accès au Capitole local ne sera plus interdit aux porteurs d’armes.
Certes, cette extension du 2e amendement de la Constitution américaine comporte quelques restrictions : les armes devront être dissimulées, sous un vêtement ou dans un sac, et certains endroits des campus comme les dortoirs ou les stades resteront des « gun free zones ». Au Kansas, la loi ne permettra finalement pas le port d’armes dans les hôpitaux publics et les centres de santé mentale.
Dans le même temps, un texte présenté en Californie pour limiter le nombre de munitions qu’un porteur d’armes pouvait transporter a été bloqué par la justice.
Pour les partisans d’un plus grand contrôle sur les armes, un motif de satisfaction est toutefois venu d’Hawaï. Cet Etat vient de passer une loi obligeant à signaler aux forces de l’ordre un citoyen sous le coup d’une interdiction de porter une arme mais qui tenterait de s’en procurer.
Une vidéo de la NRA qui fait scandale
Un sondage de Pew Research Center, publié en août 2016, montrait que les Américains demeurent divisés entre ceux qui souhaitent accroître le contrôle sur les armes (46 %) et ceux qui plaident pour le droit constitutionnel d’en porter (52 %). Ils sont en revanche désormais majoritairement d’accord pour que soient vérifiés les antécédents d’un acheteur d’armes (83 %), dont 90 % des démocrates et 75 % des républicains.
En revanche, seuls 34 % des électeurs de M. Trump sont partisans de l’interdiction d’acheter des armes de guerre, contre 74 % pour les électeurs de Hillary Clinton. Alors que des fusillades impliquant ce type d’armes et, ou, des personnes psychiquement fragiles sont quasi quotidiennes à travers le pays, la porte-parole de la National Rifle Association (NRA, le lobby pro-armes aux Etats-Unis), Jennifer Baker, s’est récemment félicitée de voir « de plus en plus d’Américains porter légalement des armes pour leur propre protection ».
Dans ce contexte, une publicité diffusée en juin par la NRA sur sa page Facebook, a fait scandale, sa rhétorique suscitant des critiques y compris auprès de commentateurs conservateurs. Dans la vidéo, alors que défilent des images de manifestations anti-Trump de cet hiver, une porte-parole de l’association, Dana Loesch, profère, sur un ton virulent, des accusations contre un groupe de personnes. S’ils ne sont pas explicitement nommés, on comprend qu’il s’agit des démocrates et libéraux de tous ordres. « Ils utilisent leurs médias pour assassiner les vraies informations, ils utilisent leurs écoles pour enseigner aux enfants que leur président est un nouvel Hitler, ils utilisent leur ex-président pour soutenir la résistance, organiser des protestations et crier au racisme, à l’homophobie, à la xénophobie. »
Insurmontable fossé
En conclusion de sa diatribe, la NRA affirme que « le seul moyen de sauver notre pays et notre liberté est de combattre cette violence du mensonge par le poing serré de la vérité ». La vidéo se termine sur un appel à rejoindre « aujourd’hui » la NRA, un message perçu comme un appel à la violence par des associations de défense des droits civils.
L’insurmontable fossé entre démocrates et républicains transparaît aussi dans les lois entrées en vigueur en début de mois sur l’accès à l’avortement.
S’il est garanti au niveau fédéral depuis 1973, ce droit est constamment remis en cause au niveau des Etats conservateurs par le biais de nouvelles exigences envers les médecins ou les cliniques qui pratiquent les IVG. Dans le Wyoming, ces dernières devront désormais proposer aux femmes de voir une échographie et d’entendre les battements de cœur d’un fœtus. Dans le Tennessee, une nouvelle loi exige des praticiens qu’ils déterminent la viabilité du fœtus de vingt semaines ; s’il est viable, pratiquer un avortement devient alors un crime, sauf dans le cas où la mère est en danger.
Le Maryland, Etat de tradition démocrate, a lui passé une loi qui débloque des fonds pour le planning familial, afin de remplacer les subventions fédérales dont l’administration Trump a autorisé le gel. La « guerre culturelle » à l’américaine a de beaux jours devant elle.