TV : « Le clan Bongo : une histoire française »
TV : « Le clan Bongo : une histoire française »
Par Joan Tilouine
Notre choix du soir. Le magazine « Complément d’enquête » propose le portrait acide d’un président caricatural, anachronique et si peu représentatif de l’Afrique (sur France 2 à 22 h 45).
(Extrait 1) Complément d'enquête - Le clan Bongo : une histoire française
Durée : 01:03
On pourrait croire à un documentaire d’histoire, du genre de ceux qui vous plongent dans la grande saga de la Françafrique d’autrefois. Mais on est bien en 2017, au Gabon. On y retrouve un petit président dictateur d’Afrique centrale, une poignée d’avocats et de politiques français mués en intrigants alléchés par le cash, ainsi que quelques capitaines d’industrie. Le genre d’individus qui ont évolué dans l’ombre et ne se révèlent à la lumière qu’une fois fragilisés et démonétisés, pour régler des comptes.
Avec Le Clan Bongo, une histoire française, reportage bien documenté, France 2 offre le portrait acide d’un président caricatural, anachronique et si peu représentatif de l’Afrique.
Car Ali Bongo, le chef d’Etat gabonais, n’est pas « l’un des plus puissants chefs d’Etat africains », il est plutôt « l’un des plus français ». Vu de Johannesburg, de Lagos, de Nairobi, bref en dehors de la petite sphère d’influence française, il est insignifiant. Contrairement à son père, Omar Bongo, pilier de la Françafrique, à qui il a succédé en 2009, cet héritier est dépourvu d’influence régionale, moqué et dénigré par ses pairs africains.
(Extrait 2) Complément d'enquête - Le clan Bongo : une histoire française
Durée : 01:48
A Librevillle, le téléspectateur n’embarque pas dans l’une de ses somptueuses voitures de luxe qui s’entassent dans le parking de la présidence mais dans un 4 x 4 que le président conduit lui-même dans les faubourgs de la capitale. Ali Bongo, 58 ans, se présente comme un président cool et proche de son peuple.
Une image que se sont efforcées de forger une myriade d’agences de communication en France, attirées par les pétrodollars du régime. Le tout renforcé par des réseaux politiques désuets, tels que la fondation AfricaFrance, qui avait eu le bon goût de le convier en 2015 à un forum « pour une croissance partagée ». Pourtant, de forts soupçons de corruption et de détournements de fonds publics pèsent sur ce président qui se laisse filmer à Londres, dans le studio des Beatles, où on le voit diriger 75 musiciens du London Symphony Orchestra.
« Docteur Jekyll et mister Hyde »
En août 2016, Ali Bongo faisait tirer sur les partisans de son opposant après avoir remporté l’élection présidentielle par la triche, tout comme son baccalauréat, obtenu en France grâce aux pressions de son père. « Les élections sont derrière nous », rétorque, gêné, Ali Bongo, qui invite le journaliste à se tourner vers la Cour constitutionnelle pour consulter les résultats. Mais nul n’ignore que son élection a été truquée. Dans la province familiale du Haut-Ogooué, la participation officielle a été de 99,93 %, dont plus de 95 % des votes en faveur d’Ali Bongo.
« C’est docteur Jekyll et mister Hyde », souligne le spécialiste Antoine Glaser. « Il est diabolique, sans cœur », fustige Robert Bourgi, proche conseiller d’Omar Bongo et qui fut écarté par Ali, désireux de rompre avec certaines habitudes de son père.
(Extrait 3) Complément d'enquête - Le clan Bongo : une histoire française
Durée : 00:55
Si ce documentaire ne tombe pas dans les travers du portrait autorisé, on peut toutefois regretter le choix de certains intervenants et détracteurs de ce président fantasque. Quel crédit accorder aux vues et analyses sur le Gabon, et sur l’Afrique, de Loïk Le Floch-Prigent, l’ancien patron d’Elf, passé par la case prison ?
Il n’y a que la télévision française pour tendre sérieusement le micro à cet homme qui a surtout connu de l’Afrique les malversations financières, les pillages et des chefs d’Etat aussi corrompus que leurs corrupteurs comme Elf. Le clan Bongo est sans doute toujours une histoire franco-africaine, mais elle ne raconte plus grand-chose sur l’Afrique.