Les volleyeurs français célèbrent leur victoire face au Brésil lors du Final Six de la Ligue mondiale, à Curitiba (Brésil), le 4 juillet. | NELSON ALMEIDA / AFP

Le volley est-il un sport de fils à papa ? La provocation est facile et gratuite, mais le constat est étonnant : huit joueurs de l’équipe de France masculine de volley perpétuent brillamment la tradition familiale inaugurée par leur père ou leur grand-père. Cette proportion de « fils de » est unique, même si d’autres sports collectifs présentent des exemples célèbres, comme les footballeurs Jean et Youri Djorkaeff ou les rugbymen Jean-Claude et David Skrela.

« Notre sport est resté longtemps clos et très confidentiel. Les parents transmettent la pratique à leurs enfants. On joue sur la plage entre copains. A l’image de l’Italie, il y a beaucoup de lignées de volleyeurs », reconnaît le sélectionneur Laurent Tillie. Cet ex-international connaît bien le phénomène puisqu’il est lui-même le père de Kévin, pièce maîtresse des Bleus actuellement blessée, et le fils de Guy, ex-champion de France avec Alger en 1959.

« Avec Nicolas (Rossard), on allait voir les matchs de nos pères qui jouaient l’un contre l’autre, l’un à Poitiers et l’autre à Cannes. Ça se chambrait au filet », se souvient Thibaut Rossard.

A défaut d’un réservoir plus important de joueurs, nanti de seulement 124 000 licenciés, loin des 500 000 du handball ou des 600 000 du basket, le volley compte plus que jamais sur cet esprit de famille. Sur les quinze volleyeurs français, qui disputent jusqu’au 8 juillet le Final Six de la Ligue mondiale à Curitiba (Brésil), cinq sont fils d’anciens internationaux tricolores.

Le père de Benjamin Toniutti présidait un club amateur alsacien quand celui de Jenia Grebennikov était international soviétique. Même s’il demeure le seul international de sa famille, Julien Lyneel a, lui, suivi sur les parquets son père, sa mère et son frère aîné.

« Retour vers le volley »

Les lignées tricolores pullulent dans le groupe entraîné par Laurent Tillie. On trouve tout d’abord les Ngapeth : Earvin a, en effet, de qui tenir avec son paternel Eric, ancien international français et aussi entraîneur au haut niveau. Jean Patry a succédé à son père Christophe tandis que, chez les Clevenot, Trevor a pris la relève d’Alain.

Mais l’arbre généalogique le plus impressionnant et le plus complexe est celui des Rossard. Les cousins Thibaut et Nicolas évoluent ensemble chez les Bleus. Leur grand-père Jacques a joué en équipe de France, leur père Olivier et Philippe ont également été internationaux, et le frère de Thibaut, Quentin, est aussi joueur professionnel. Les deux cousins ont fréquenté le Centre national du volley-ball à Montpellier, ont évolué dans les mêmes clubs à Toulouse et à Sète et partagent de nombreux souvenirs familiaux.

« On allait voir les matchs de nos pères qui jouaient l’un contre l’autre, l’un à Poitiers et l’autre à Cannes. Ça se chambrait au filet », raconte Thibaut, 23 ans et international depuis 2016. Champion d’Europe en 2015, Nicolas, 27 ans, se souvient des tournois endiablés disputés pendant l’été : « On s’affronte en trois contre trois, les trois cousins opposés aux deux pères associés à une sœur. On perdait souvent lorsque nous étions enfants. »

« Au foot, l’ambiance était particulière avec les rapports aux entraîneurs, aux coéquipiers qui ne sont pas vraiment des copains, à l’argent, c’est dur à gérer à cet âge-là. Au volley, j’ai redécouvert le plaisir de jouer », raconte Julien Lyneel.

Les Rossard sont lucides, quant à la faible popularité de leur sport favori, trop souvent étiqueté sport de plage ou sport scolaire. Pas de quoi susciter des vocations en nombre. « Je pense que l’on ne se serait jamais mis au volley si nos parents n’étaient pas dedans. Moi, j’ai commencé par le foot et le ping-pong… Le volley est un petit monde où tu revois toujours les mêmes personnes », déclare Thibaut.

Si les places sont évidemment moins chères qu’au football, et ses 2,4 millions de licenciés, l’état d’esprit est un facteur essentiel dans cette reproduction sociale entre générations de volleyeurs. Plus que la génétique, qui joue, bien sûr, un rôle dans un sport où l’on a besoin de grands, mais s’avère plus prédominante au basket. « Il y a un certain confort au volley, c’est un sport convivial où l’on se sent bien, où l’on prend du plaisir et ou les enfants se développent tranquillement. La concurrence est moindre et la notion de stress liée au haut niveau quasi absente », analyse Laurent Tillie.

De gauche à droite : Julien Lyneel, Kévin Le Roux et Stéphen Boyer au bloc lors du match du Final Six de la Ligue mondiale contre les Etats-Unis à Curitiba (Brésil), le 4 juillet. | NELSON ALMEIDA / AFP

L’exemple de Julien Lyneel, international aux plus de cent sélections, est à ce titre marquant. Jusqu’à ses 14 ans, le jeune Montpelliérain excelle balle au pied. Il fréquente le centre de préformation du club héraultais en compagnie des futurs champions de France comme Rémy Cabella ou Younès Belhanda. A cause d’une blessure, il manque d’un rien la sélection pour l’INF Clairefontaine, qui recrutait à l’époque les meilleurs talents sur toute la France.

Pas costauds mais habitués du haut niveau

Plus l’environnement du football est difficile à supporter, plus le virus familial le rattrape. L’adolescent, qui s’entraîne quotidiennement au foot, commence d’abord par une séance clandestine de volley, le mardi soir. Puis, le week-end, lorsqu’il n’est pas retenu sur les pelouses, il joue en compétition. « L’ambiance particulière avec les rapports aux entraîneurs, aux coéquipiers qui ne sont pas vraiment des copains, à l’argent, c’est dur à gérer à cet âge-là. Au volley, j’ai redécouvert le plaisir de jouer. Il y avait moins de pression et mon retour vers le sport familial s’est fait avec un naturel désarmant. »

A 15 ans, il intègre directement un pôle Espoirs. En 2011, seulement six ans après ses débuts officiels de volleyeur, Julien Lyneel devient international. Un parcours express certainement facilité par la technique qu’il a accumulée en observant sa famille. « Le volley est un sport d’initié. Même si j’ai débuté sur le tard, j’ai emmagasiné les images, les gestes lors des matchs que j’allais voir le week-end. Et ensuite, j’ai retranscrit tout ça. »

Un apprentissage familial qui se poursuit encore aujourd’hui. « Je débriefe chaque match avec mon père. Il me répète qu’il ne me lâchera jamais sur un point : Quand tu sautes au bloc, tu ne dois pas fermer les yeux », s’amuse le nouveau joueur de Bolivar en Argentine.

Dans un sport très technique comme le volley, où il est de plus en plus ardu de contrôler le ballon à des vitesses toujours plus élevées, ces lignées de volleyeurs ont une influence directe sur le niveau des Bleus, que Laurent Tillie résume simplement : « Nous ne sommes pas les plus costauds, mais nos joueurs ont été habitués très tôt au haut niveau. »