Djamel Beghal, l’un des mentors communément désigné de Chérif Kouachi et d’Amédy Coulibaly, les auteurs des tueries de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, restera bien en prison, en France, jusqu’à la fin de sa peine, a appris Le Monde auprès de son avocat, Me Béranger Tourné. Incarcéré depuis mai 2010 en raison de sa participation présumée à un projet d’évasion d’une figure du terrorisme hexagonal, le détenu a vu sa demande de remise en liberté rejetée par un juge d’application des peines (JAP), mardi 11 juillet. Djamel Beghal demandait au passage son expulsion du territoire français vers l’Algérie, son pays natal.

Cette décision, que Le Monde a pu consulter, intervient paradoxalement dans un contexte où les autorités françaises multiplient, depuis plusieurs années, les expulsions d’individus condamnés pour des faits de terrorisme arrivant en fin de peine. Une décision par ailleurs à l’exact opposé de celle qui avait été prise à l’encontre de M. Beghal en 2007, alors qu’il purgeait depuis 2001 une première peine de dix ans de prison. C’était, cette fois, dans le cadre du démantèlement d’un réseau terroriste soupçonné d’avoir voulu s’en prendre à des intérêts américains en Europe.

A l’époque, les autorités françaises avaient tout tenté pour l’éloigner. La tentative d’expulsion avait même donné lieu à une bataille juridique rocambolesque. C’est sur le tarmac de l’aéroport que Me Tourné avait rattrapé in extremis son client… L’avocat défendait alors l’idée que son client courrait un risque de « traitement inhumain et dégradant » en Algérie. Il avait obtenu gain de cause devant le conseil d’Etat, en juin 2009. « Si Beghal n’avait rien demandé, la décision de l’expulser aurait été prise, mais comme il est à l’initiative, par réflexe pavlovien, on lui refuse », s’agace aujourd’hui Me Tourné.

Contexte différent en Algérie

Cet inattendue interversion des rôles s’explique toutefois par un contexte relativement différent. Me Béranger considère désormais que la situation en Algérie s’est améliorée ; « les circonstances le permettent », dit-il. « Il n’y a pas de rapport récent des organisations non gouvernementales telles que Human Right Watch dénonçant la pratique de la torture dans ce pays, a de son côté expliqué en substance M. Beghal lors du débat contradictoire pour sa libération. S’il fallait attendre une année, il serait peut-être trop tard. »

La justice française, elle, s’accroche notamment au fait que M. Beghal – dont le « risque de réitération n’est pas écarté » à ses yeux – n’est pas arrivé au bout de sa peine. Sa période de sûreté a certes pris fin le 22 janvier, mais la date butoir de son incarcération est le 19 septembre 2018. Soit dans un peu plus d’un an. Si la demande de son avocat avait été satisfaite, M. Beghal se serait retrouvé libre en Algérie. Une zone où les autorités françaises craignent par ailleurs de plus en plus qu’elle serve de base de repli, comme tout le Maghreb, à l’organisation Etat islamique, en pleine débandade en Syrie.

Me Tourné souhaite néanmoins faire appel de la décision du JAP du tribunal de grande instance de Rennes. « C’est reculer pour mieux sauter », plaide-t-il. Impossible malgré tout, de savoir le sort qui sera réservé à terme à M. Beghal. Ce dernier est actuellement incarcéré au centre pénitentiaire de Rennes-Vezin. En 2006, il a été déchu de sa nationalité française – acquise par mariage. Raison pour laquelle il était « expulsable ».