Environnement : l’accès à la justice menacé par la Commission européenne
Environnement : l’accès à la justice menacé par la Commission européenne
Par Emilie Veyssié
C’est un véritable bras de fer qui s’est engagé entre les parties signataires de la convention d’Aarhus, au sujet de l’un des droits qu’elle garantit aux citoyens et aux ONG. Premier round le 11 juillet.
La Commission européenne à Bruxelles. | Geert Vanden Wijngaert / AP
La Commission européenne serait-elle en train de régresser sur l’accès à la justice environnementale prévu par la convention d’Aarhus ? C’est la question que l’on peut se poser au vu de l’adoption, en juin, par l’institution, d’une proposition qui conteste les conclusions du comité chargé de faire respecter l’esprit de ce texte.
La convention d’Aarhus, qui date de 1998 et qui est entrée en vigueur en 2001, compte actuellement 47 parties dont l’Union européenne et ses Etats membres. Elle prévoit trois droits en matière d’environnement pour les citoyens et les associations : l’accès à l’information, la participation au processus décisionnel et l’accès à la justice. C’est ce troisième axe qui est menacé par la décision de la Commission européenne.
Bruxelles a détaillé sa position qui devrait la conduire à s’opposer au comité, lors de la réunion des parties prévue du 11 au 14 septembre au Monténégro. Un coup dur dans l’histoire d’Aarhus : qu’il soit positif ou négatif, ce vote marquera un tournant dans l’histoire de la protection de l’environnement. La proposition de la Commission sera au préalable examinée par le Comité des représentants permanents de l’UE le 11 juillet, puis par le Conseil des ministres européens de l’agriculture et de la pêche le 17 juillet.
« Un effet boule de neige »
Tout le différend porte sur la possibilité offerte aux citoyens et aux associations de « faire condamner et réparer les manquements des autorités publiques en ce qui concerne l’accès à l’information sur l’environnement ». Ainsi qu’à l’autorisation pour la société civile de « contester toute violation de la législation environnementale, qu’elle soit le fait d’une personne publique ou non ».
L’affaire a démarré avec une réclamation de l’ONG britannique ClientEarth de 2008 auprès du comité d’Aarhus, qui pointait une faille dans l’accès à la justice au sein de l’Union européenne. Le comité a indiqué en mars, à la suite de longs échanges depuis 2011 avec la Commission, que l’UE ne respectait pas la convention. En effet, elle n’octroie pas aux citoyens et aux ONG d’un Etat membre le droit de saisir directement la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), à la différence de leurs homologues situés hors du territoire des Vingt-Sept.
Le comité recommande que « la jurisprudence de la CJUE intègre pleinement la convention ou que l’UE modifie son règlement Aarhus ou adopte une nouvelle législation ». Mais selon la Commission, ces conclusions « ne reconnaissent pas [l’]ordre juridique particulier [de l’UE] ». Bruxelles rejette même fortement le texte du comité dont les recommandations « remettent en question des principes constitutionnels du droit de l’UE qui revêtent un caractère à ce point fondamental qu’il est juridiquement impossible pour l’UE de [les] suivre et de s’y conformer ».
C’est la position la plus dure prise par la Commission depuis la naissance de la convention d’Aarhus. Michel Prieur, professeur émérite agrégé de droit et président du Centre international de droit comparé de l’environnement, s’en inquiète. « C’est une décision sans précédent qui risque de faire un effet boule de neige, redoute-t-il. D’autres Etats pourraient être tentés de ne pas accepter les recommandations du comité et cette méfiance risque d’affaiblir Aarhus. »