Nathalie Kosciusko-Morizet confrontée à son agresseur présumé
Nathalie Kosciusko-Morizet confrontée à son agresseur présumé
Par Béatrice Jérôme
Quatre mois de prison avec sursis ont été requis contre Vincent Debraize, maire sans étiquette de Champignolle, accusé d’avoir fait tomber l’élue quand elle tractait pendant la campagne.
Nathalie Kosciusko-Morizet, le 20 novembre 2016 à Paris. | Benoit Tessier / REUTERS
A droite du prétoire, un solide gaillard de 55 ans, en blazer bleu marine à gauche une frêle silhouette, robe bleu nuit, blottie sur son banc. La confrontation entre les deux, mardi 11 juillet au tribunal correctionnel de Paris, aura duré plus de trois heures au terme desquelles le président de la 23e chambre a mis le jugement en délibéré au 7 septembre.
L’affaire aurait sans doute été plus vite expédiée si la partie civile n’était pas Nathalie Kosciusko-Morizet, poursuivant pour « violences et outrage sur personne chargée d’une mission de service public » Vincent Debraize, maire (sans étiquette) de Champignolle (Eure). L’édile normand est accusé par l’ex-patronne de la droite parisienne de l’avoir agressée verbalement et physiquement, le 15 juin, entraînant sa chute puis son évanouissement. Transportée à l’hôpital Cochin, elle y est restée deux jours. Les médecins ayant établi qu’elle souffrait d’une « contusion occipitale » et lui ayant prescrit le repos.
Nathalie Kosciusko-Morizet ne se doutait pas que sa campagne législative dans la 2e circonscription de Paris prendrait ainsi brutalement fin. Ce matin du 15 juin, la candidate (Les Républicains) tractait sur un marché du 5e arrondissement quand M. Debraize – qui a parrainé Henri Guaino lors de son éphémère intention de se présenter à la présidentielle de 2017 – l’aborde et lui fait reproche de se présenter dans cette circonscription alors qu’elle est députée de l’Essonne. Le ton monte suffisamment pour qu’un membre de l’équipe de Nathalie Kosciusko-Morizet veuille interrompre l’échange. Mais la candidate souhaite poursuivre, au motif que son interlocuteur est un élu auquel elle estime devoir le respect.
C’est alors que M. Debraize l’aurait insultée, la traitant de « bobo de merde », selon plusieurs témoins, puis saisissant les tracts qu’elle tenait dans la main, l’aurait alors giflée tout en lui donnant un coup au thorax suffisamment fort pour qu’elle tombe et perde connaissance.
Versions contradictoires
A la barre mardi, M. Debraize a présenté une autre version des faits. « Mme Kosciusko-Morizet s’est approchée vers moi, rapporte-t-il, avec ses tracts elle a camouflé son visage. Puis très lentement et très distinctement, m’a dit : “Dégage connard !” » « Elle s’approche et réitère : “Dégage connard !” », poursuit-il.
Vincent Debraize, le 22 juin 2017 à Paris. | JOEL SAGET / AFP
L’édile normand explique avoir pris les tracts de la main pour les jeter à terre. C’est alors qu’il aurait vu Nathalie Kosciusko-Morizet tomber. « A aucun moment, je n’ai touché la candidate Nathalie Kosciusko-Morizet », répète l’élu qui n’exprime aucune empathie pour celle qu’il a vue à terre, avant de s’enfuir poursuivi par quelques membres de l’équipe de la candidate. L’un des militants qui accompagne Nathalie Kosciusko-Morizet a rattrapé M. Debraize dans le métro. S’en est suivie une violente altercation entre les deux hommes à l’issue de laquelle M. Debraize a, finalement, pu s’enfuir.
L’un des avocats de M. Debraize, Antoine Lachenaud, a plaidé, mardi, que les clichés pris sur le fait par un photographe de l’Agence France-Presse et produits à l’audience « ne viennent en rien contredire » les dires de son client.
Plaidant pour la candidate, l’avocat Jean-Yves Dupeux a toutefois fait valoir qu’une des photos montre le visage crispé de Nathalie Kosciusko-Morizet clignant des yeux devant une liasse de tracts brandis par M. Debraize. « Je tiens bien sur mes jambes, je ne tombe pas comme ça », s’est défendue d’une voix grave l’ex-ministre de l’écologie. « Je ne l’ai pas giflée », a répété M. Debraize.
Quatre mois de prison avec sursis requis
« A-t-il voulu commettre cette violence ? », s’est interrogé le procureur à propos de M. Debraize. « Quand bien même il n’y a pas eu coup porté, la violence peut être établie dès lors que la victime s’est sentie visée par un geste ressenti comme une émotion sérieuse », a-t-il plaidé avant de requérir quatre mois de prison avec sursis à l’encontre de l’édile.
Les avocats de Nathalie Kosciusko-Morizet ont ensuite fait valoir qu’il y avait des circonstances aggravantes à l’acte commis puisque Nathalie Kosciusko-Morizet avait été « agressée » par M. Debraize en sa qualité de députée et d’élue de Paris, autrement dit de personne « dans l’exercice d’une mission de service public ». S’il est établi que M. Debraize s’est bien rendu coupable de violences sur une élue, il pourrait encourir la peine demandée par le procureur.
A l’inverse, la ligne de défense des avocats de M. Debraize a consisté à démontrer qu’il s’était adressé à la « candidate en train de tracter » et non à une élue. « Quand bien même elle est élue », a plaidé Basile Ader, avocat de M. Debraize, tenir compte de ses mandats en cours pour juger des faits « serait porter atteinte au principe d’égalité des candidats devant la loi ». En affirmant que Nathalie Kosciusko-Morizet était visée en tant que candidate et non d’élue, Basile Ader, l’un des avocats de M. Debraize a demandé que ne soit infligée au pire à son client qu’une amende de 5e catégorie (1 500 euros), tandis que son confrère, Antoine Lachanaud, a plaidé la relaxe, estimant que Nathalie Kosciusko-Morizet avait été victime d’un malaise à la suite d’une campagne éprouvante et en aucun cas d’un coup volontaire.