« L’année de césure permet de rompre avec les études linéaires, de découvrir autre chose »
« L’année de césure permet de rompre avec les études linéaires, de découvrir autre chose »
Par Adrien de Tricornot
Les conseils de Claire Thoury, déléguée générale d’Animafac, aux jeunes qui seraient tentés de faire une pause, après le bac ou en cours d’études.
« Faire une année de césure, avant ou pendant ses études. » C’était le thème d’un tchat organisé à l’occasion des résultats du bac 2017, mercredi 5 juillet. Claire Thoury, déléguée générale d’Animafac, association qui a œuvré pour la reconnaissance de l’année de césure, a répondu en direct aux questions des internautes. Voici le compte rendu de cet échange.
Pour celles et ceux qui ne connaissent pas l’année de césure, pouvez-vous expliquer en quoi elle consiste ?
Claire Thoury Une année de césure, c’est une année de pause dans un cursus. C’est quelque chose qui doit être volontaire. Cela peut durer entre un semestre et une année universitaire. Et surtout, depuis la circulaire ministérielle du 23 juillet 2015, les étudiants qui prennent une année de césure, avec l’accord de leur établissement, conservent leur statut d’étudiant, et ont droit « au retour » : pour résumer, la circulaire sécurise le parcours des étudiants qui choisissent de faire une année de césure.
Qu’est-ce qu’il est possible de faire pendant cette année ? Un stage, un job, une mission humanitaire ?
On peut faire ce qu’on veut pendant cette année de césure, théoriquement… La plupart du temps, les étudiants en césure choisissent de faire un stage, de travailler, de voyager. Mais aussi, et surtout, de s’engager. Par exemple, vous pouvez choisir de consacrer une année à l’association dans laquelle vous êtes bénévole. Ou vous pouvez choisir de faire un service civique ! Mais gardez bien en tête qu’on ne doit pas avoir de vision normative de la césure. Il s’agit d’une pause dans un parcours. L’étudiant ou l’étudiante doit pouvoir faire ce qu’il veut.
Vous parlez de la possibilité de faire un service civique pendant l’année de césure, pouvez-vous donner plus d’informations sur ce dispositif ?
Le service civique est avant tout un dispositif d’engagement, volontaire, qui se veut structurant, donc qui est assez long (entre six et douze mois, au moins 24 heures par semaine), qui consiste en une mission d’intérêt général, qui peut être faite dans des associations ou des établissements publics, et qui est indemnisée puisque le volontaire touche chaque mois 580,55 euros mensuels (dont une partie peut être versée en nature).
Gardez en tête que le volontaire n’est ni un bénévole ni un salarié. Si le dispositif vous intéresse, n’hésitez pas à vous rendre sur le site de l’agence du service civique, qui recense toutes les missions disponibles.
Je suis membre d’une association de mon école : est-il possible de passer une année de césure à ne m’occuper que de mon asso ?
Absolument. C’est possible. Cela rentre dans la partie du dispositif appelée « césure engagement ». Sous réserve, bien sûr, de l’accord de votre établissement. Ce qui sera sans doute accepté.
Est-ce que le dispositif s’applique aussi aux écoles privées ?
Oui, à tous les établissements d’enseignement supérieur. La plupart des écoles proposent d’ailleurs la césure depuis de nombreuses années.
Est-il possible de faire une année de césure directement après le bac ?
Oui c’est possible. A condition d’être inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur. Et à condition que l’établissement l’autorise. Soyez bien prudents : il faut d’abord être étudiant pour pouvoir faire une césure. Sinon c’est une césure sauvage. Le mieux, une fois inscrit, est de demander à aller en année de césure. L’établissement peut refuser de vous laisser partir en césure la première année mais n’hésitez pas à retenter votre chance l’année suivante. Vous trouverez tous les renseignements sur vos droits sur cette page de notre site.
Ce n’est pas un peu risqué de faire une année de césure après le bac ? N’est-ce pas difficile de débuter ses études après une année où on a fait autre chose qu’apprendre, réviser…
A mon avis, pas particulièrement. Beaucoup de pays européens (notamment) mettent en place des « gap years », donc une année de pause, juste avant de commencer l’université. D’ailleurs, cela peut être une bonne chose de prendre un peu de temps après une année aussi stressante que la terminale. Le système éducatif français est anxiogène car il est linéaire et rigide. Le système danois, au contraire, promeut l’épanouissement des individus et favorise les allers-retours dans les parcours. Cela en dit long sur la manière dont on conçoit le passage à l’âge adulte, comme l’a très bien montré Cécile Van de Velde.
Est-il judicieux de faire son année de césure entre licence et master ?
C’est ce qu’il y a de plus fréquent mais tout dépend de votre projet. Par exemple : prévoyez-vous de changer d’établissement entre votre licence et votre master ? Si oui, c’est nécessaire de sécuriser votre inscription auprès de l’établissement dans lequel vous souhaitez faire votre master, et c’est lui qui autorisera ou non la demande. Si vous poursuivez dans le même établissement, la procédure reste la même : demander à votre établissement.
Que faire si l’établissement refuse de m’accorder la césure ? Existe-t-il des recours possibles ?
Ce droit ne repose que sur une simple circulaire ministérielle, ce qui n’est pas coercitif pour les établissements. Donc, en cas de refus, tout dépend de votre situation. C’est du cas par cas. L’établissement aura toujours le dernier mot. Pour le convaincre, n’hésitez pas à contacter notre association.
Je n’arrive pas à savoir si mon université propose la césure ou pas. Est-ce qu’il existe un endroit particulier où je peux trouver cette information ?
Oui, nous avons essayé de recenser tous les établissements ayant mis en place une année de césure. Vous pouvez vous adresser à nous par ce courrier : cesure@animafac.net
N’hésitez pas non plus à regarder dans votre espace numérique de travail (ENT), certaines universités ne rendant pas le règlement public.
Est-il possible de conserver sa bourse pendant son année de césure ?
Cela est possible, à condition de ne pas avoir consommé tous ses droits. Et à condition que l’établissement l’autorise. C’est une petite victoire qui a été obtenue dans la circulaire du 23 juillet 2015 pour que cette année ne soit pas réservée à ceux qui en ont les moyens.
A-t-on le droit de faire plusieurs années de césure dans son cursus ?
On a le droit de faire une année de césure par diplôme : donc une année en licence, et une année en master, par exemple… Mais on ne peut pas faire deux années de césure par diplôme.
Est-ce que l’année de césure peut être dévalorisante sur un dossier, notamment en France ou ce concept est récent et pourrait être vu comme négatif ?
Oui, cela peut malheureusement être le cas. Et là vous devez faire attention dans la manière dont vous présentez votre année de césure. Cela dit, on observe une évolution dans les mentalités ces dernières années puisque l’engagement, par exemple, longtemps considéré comme inutile dans un parcours universitaire, ou comme concurrentiel aux études, est aujourd’hui de plus en plus reconnu et valorisé par les universités.
L’année de césure est-elle vraiment utile ? Y a-t-il des études, des statistiques ?
Il n’existe pas encore de statistiques – même si c’est prévu – car la circulaire l’autorisant est encore trop récente. Là où, selon Animafac, c’est utile, c’est que cela permet de rompre avec un système très linéaire et de découvrir autre chose.
En conclusion, prenez le temps de bien vous renseigner, et de bien connaître le dispositif. Celles et ceux qui s’y sont essayés sont heureux d’avoir pu prendre un peu de temps pour eux, et pour découvrir autre chose. Mais attention à le faire en accord avec votre établissement d’enseignement supérieur pour bien bénéficier du « droit au retour », afin de profiter pleinement, et sans stress, de votre année !
Durant le tchat, nous avons reçu ce témoignage sur l’année de césure :
Mes enfants ont fait leur année de césure entre la seconde et la première et sont partis un an en lycée étranger (Equateur et Italie). C’est un grand accélérateur pour leur maturité et un atout majeur dans la suite de leur cursus. Et jamais une année de perdue !
-Emmanuel