Démission du chef d’état-major Pierre de Villiers, un fait sans précédent depuis 1958
Démission du chef d’état-major Pierre de Villiers, un fait sans précédent depuis 1958
Par Nathalie Guibert
La crise avec le président de la République couvait depuis que le général Pierre de Villiers avait émis des réserves sur les économies réclamées aux armées.
Pierre de Villiers, Chef d'Etat major des Armées, participe au traditionnel défilé militaire sur les Champs Elysées à l'occasion de la fête nationale, à Paris, vendredi 14 juillet | JEAN CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH POLITIS POUR LE MONDE
La démission du général Pierre de Villiers, officialisée le 19 juillet, est un événement historique. « Aucun chef d’état-major des armées n’a été amené à démissionner » depuis que le poste a pris sa configuration actuelle de plus haut responsable militaire placé sous l’autorité du ministre de la défense, en juillet 1962, explique l’historien Philippe Vial, chercheur au service historique de la défense. « Seuls des chefs d’état-major d’armée ont démissionné sous la Ve République », précise l’universitaire.
Ils sont quatre à ce jour. Le premier est l’amiral André Patou le 28 mars 1970, qui refuse la baisse des moyens de la marine imposée par le ministre de la défense nationale, Michel Debré. Ensuite, ce sont trois chefs de l’armée de terre qui ont choisi de partir prématurément. « Le général Jean Lagarde quitte silencieusement ses fonctions le 30 septembre 1980 pour protester contre l’insuffisance des moyens octroyés », indique Philippe Vial.
Il est suivi par son successeur le général Jean Delaunay, le 9 mars 1983, pour les mêmes raisons. Lui s’est opposé au ministre socialiste Charles Hernu qui prévoyait de réduire de 10 % les effectifs, mais « il avait aussi, plus grave, mis en cause l’efficacité de la dissuasion nucléaire ».
Le troisième est Bruno Cuche, le 1er juillet 2008. Le général démissionne après un dramatique accident de tir à balles réelles lors d’une démonstration au 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine de Carcassonne, qui a blessé seize personnes dont quatre gravement. « Vous êtes des amateurs ! », s’était emporté le président Nicolas Sarkozy.
« Casser la modernisation de l’armée de terre »
Le 31 juillet 1961, le « chef d’état-major général de la défense nationale », Jean Olié, a adressé sa démission au président Charles de Gaulle. Mais, « s’il était la plus haute autorité miliaire, il dépendait du premier ministre, le poste de chef d’état-major des armées n’ayant été créé qu’un an plus tard », précise l’historien Philippe Vial. Le général Olié a officiellement quitté ses fonctions pour des raisons de santé. Elles sont réelles, mais le général, « adversaire résolu du putsch d’Alger, désapprouvait la manière dont était conduite la répression, en particulier les sanctions dont étaient l’objet des officiers qui n’étaient que de simples exécutants ».
En 1956, deux hauts responsables avaient également démissionné, en lien avec la politique algérienne du gouvernement. Le « chef d’état-major général des forces armées » Augustin Guillaume, d’abord, le 28 février. Mais il n’avait alors pas autorité sur les chefs d’armées, le ministre lui-même étant flanqué de trois secrétaires d’Etat à l’air, à la marine et à l’armée de terre. Son départ entraîne celui du chef de l’armée de terre, le général André Zeller.
« Alors que Guy Mollet a obtenu une majorité sur un programme de paix, l’heure est désormais au renforcement massif et immédiat des moyens en Algérie, raconte Philippe Vial. Les deux généraux sont d’accord avec le principe de cette politique, mais s’opposent au calendrier de mise en œuvre qui, selon eux, conduit à casser la modernisation de l’armée de terre, dont les unités doivent abandonner leurs blindés en Europe pour aller crapahuter à pied dans le djebel algérien. »
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