Le roman « Middlemarch » de George Eliot adapté en websérie
Le roman « Middlemarch » de George Eliot adapté en websérie
Par Violaine Morin
Le livre de la romancière britannique, qui explore les complexités de la psyché humaine, a été adapté pour le Web en minisérie de trente-six épisodes par une étudiante américaine.
Rebecca Shoptaw, une étudiante de l’université de Yale (Connecticut), a adapté « Middlemarch », de George Eliot, en minisérie, diffusée sur YouTube.
C’est désormais une recette bien connue pour produire à la chaîne des films et des séries aux intrigues bien ficelées : il suffit d’adapter un roman anglais de l’époque victorienne, en costume ou pas, avec, dans le rôle de la jeune fille à marier, une star internationale, comme Keira Knightley ou Gwyneth Paltrow.
Reconnaissons que la romancière qui s’y prête le mieux reste Jane Austen (1775-1817), dont les intrigues amoureuses ont inspiré des adaptations modernes comme Clueless (basé sur l’histoire de Emma), Le Journal de Bridget Jones (deux romans puis deux films librement inspirés de l’intrigue d’Orgueil et préjugés), la websérie The Lizzie Bennett Diaries. Sans compter les adaptations plus strictes, costumes, cottages anglais et porcelaine inclus, comme Raison et sentiments (une occasion à ne pas rater de voir Hugh Grant engoncé dans un col montant).
Une romancière a échappé à cette frénésie d’adaptations : George Eliot (1819-1880), l’auteure de Middlemarch, un roman sur la vie de province en Angleterre. L’histoire est centrée, entre autres, sur le personnage de Dorothea Brooke, une jeune femme qui cherche à s’accomplir dans l’unique horizon qui lui est offert : le mariage.
Curieusement, ce roman n’a pas connu le même succès que ceux de Jane Austen en version filmée. Jusqu’à ce que Rebecca Shoptaw, une étudiante de l’université de Yale (Connecticut) décide d’adapter Middlemarch en minisérie, dont la première moitié (36 épisodes) est disponible sur YouTube. Et le résultat est assez surprenant.
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Les affres de l’amour face caméra
L’héroïne, Dorothea Brooke, s’appelle désormais Dot Brooke. Elle n’est plus une provinciale amoureuse, mais une jeune femme afro-américaine en seconde année à l’université, dans une ville fictive du Connecticut, Middlemarch. Principal trait de caractère qu’elle partage avec le personnage d’origine : être obsédée par les livres et avoir une haute idée de ce que doit être l’existence.
Le format ressemble de près à celui, privilégié par les youtubeurs, du blog vidéo (ou vlog) : les personnages parlent face caméra, souvent dans une chambre et parfois dans la cuisine d’une pizzeria.
Dans la série, l’héroïne est elle-même en train de travailler sur un projet vidéo pour documenter sa vie : « J’ai l’impression que, si nous pouvions regarder et comprendre comment nous sommes maintenant, cela nous permettra de décider ce que nous voulons faire plus tard. » Les personnages évoquent donc régulièrement la présence de la caméra, hésitant parfois à parler en sa présence.
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L’auteure du projet, Rebecca Shoptaw, a également choisi de changer l’identité sexuelle des personnages. Ainsi James Chettam, le riche propriétaire à qui Dorothea Brooke est promise dans le roman, est devenu Jamie, interprétée par une jeune actrice aux cheveux cachés sous un bonnet.
Dans une interview citée par le New Yorker, la réalisatrice évoque l’originalité de Middlemarch, qui permettait, selon elle, ces changements : à la différence de la plupart des romans victoriens, Middlemarch dépeint des « relations plus saines, dans lesquelles il n’y a pas cette dynamique de domination entre hommes et femmes qui définit en général les relations dans le roman classique ».
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Comment peut-on juger de la réussite d’un projet aussi éloigné du format d’origine ? Un roman de plus de mille pages qui explore toutes les facettes de la psyché humaine et la complexité des relations entre hommes et femmes a-t-il sa place dans une websérie ?
Dans le New Yorker, la journaliste Rebecca Mead, auteure d’un livre sur Middlemarch, évoque l’importance du dispositif face caméra dans l’adaptation. « L’utilisation de la caméra offre à la réalisatrice l’occasion de confessions intimes, un substitut habile aux techniques narratives de George Eliot pour décrire la vie intérieure de ses personnages. »