Loi de moralisation : le gouvernement lâche du lest sur la réserve ministérielle
Loi de moralisation : le gouvernement lâche du lest sur la réserve ministérielle
Par Manon Rescan
L’annonce de la suppression de cette enveloppe a été unanimement saluée par les députés.
Nicole Belloubet a surpris les députés, lundi 24 juillet, au cours de la première soirée de débat dans l’Hémicycle sur le projet de loi confiance dans la vie publique. Alors que l’une des mesures phares du texte prévoit la suppression de la réserve parlementaire, la garde des sceaux a annoncé qu’elle ne s’opposerait pas, en outre, à une mesure réclamée par plusieurs groupes politiques : la suppression de la réserve ministérielle.
Cette enveloppe de fonds pour les collectivités locales, gérée par le ministère de l’intérieur, était au cœur du débat sur deux fronts. D’une part, elle est réputée pour son opacité et pour son attribution favorisant largement les membres de la majorité. D’autre part, son maintien, alors que la réserve parlementaire est supprimée, paraissait intenable.
C’est ce qu’avaient défendu en commission, sous forme d’amendements, Les Républicains et La France insoumise, soutenus par des parlementaires de la plupart des groupes, dont le MoDem. Mais, suivant l’avis, hostile, de la rapporteure du texte, la majorité s’y était finalement opposée.
Lundi soir, l’annonce de la concession du gouvernement, qui ne devrait être avalisée par un vote d’amendement que dans les prochains jours, a été saluée d’une large ovation dans l’Hémicycle. Debout, levant les mains en signe de victoire, le député de La France insoumise Ugo Bernalicis goûtait ce qu’il a qualifié de « premier vrai recul du gouvernement ». Pour Pacôme Rupin, député LRM de Paris, cette proposition « inspirée » des débats antérieurs vient compléter la « cohérence » du texte. « Il était important de montrer que cette loi concerne aussi le gouvernement », ajoute-t-il.
Une décision « logique », soulignait encore le député socialiste Olivier Dussopt, saluant « l’habileté » de la garde des sceaux. « C’est bien joué, d’autant que cela ne lui coûte pas cher ! », renchérissait Philippe Gosselin, membre du groupe Les Républicains. La ministre n’avait jusque-là eu de cesse de répéter que cette enveloppe, était « en diminution constante et rapide : 19 millions en 2013, 5 millions en 2017 », alors que la réserve parlementaire, représente, elle, un fond de 150 millions d’euros.
« Ce serait désastreux »
Selon Ugo Bernalicis, ce changement de pied à la faveur de la majorité témoigne de l’existence d’un « flottement » au sein du groupe LRM, dont certains députés auraient souhaité élargir le texte. D’autant que la faveur accordée par le gouvernement est intervenue quelques minutes avant un autre revirement de la majorité. La semaine dernière, la commission des lois avait adopté, contre l’avis du gouvernement, un amendement exigeant des candidats aux élections qu’ils aient un casier judiciaire vierge.
Une disposition tout droit sortie du programme d’Emmanuel Macron mais qui, selon le ministère de la justice, présentait un risque d’inconstitutionnalité. La rapporteure du texte, Yaël Braun-Pivet, avait, pour cette raison, émis des « réserves » sur cette disposition, tout en se montrant attachée, comme ses camarades de groupe, à la promesse présidentielle. « Si le Conseil constitutionnel venait à censurer le texte, c’est l’une des mesures phares du texte qui disparaîtrait. Ce serait désastreux », explique-t-on dans l’entourage de la ministre pour justifier cette position, tout en défendant une nouvelle version qui préserve « l’esprit » de la promesse du chef de l’Etat. Le week-end a manifestement été propice à faire porter la voix du gouvernement, le groupe LRM ayant déposé lundi un amendement pour revenir sur sa position.
Le texte voté dans la nuit prévoit finalement que soit déclarée inéligible toute personne condamnée pour un ou des crimes et délits dont la liste est définie par la loi, tout en laissant une marge de manœuvre au juge afin d’éviter le risque de « peine automatique » contraire « au principe d’individualisation des peines garanti par la Constitution », avait rappelé la ministre. « On a pu faire une erreur d’appréciation », concède Pacôme Rupin qui dit « assumer » un changement de position « normal » pour un travail parlementaire. Dans l’Hémicycle, l’opposition y a, elle, vu une « reculade ».