La guerre de Syrie n’est pas finie
La guerre de Syrie n’est pas finie
Editorial. Une nouvelle phase s’ouvre en Syrie, qui voit Bachar Al-Assad consolider son emprise sur le pays. De quoi entretenir la colère de la majorité sunnite syrienne.
A Arbin, le 25 juillet, ville près de Damas contrôlée par l’opposition à Bachar Al-Assad et qui a fait l’objet de frappes aériennes les 24 et 25 juillet. | BASSAM KHABIEH / REUTERS
Editorial du « Monde ». Il n’y aura pas de changement de régime en Syrie. Pour le moment. Tel est le sens de la décision des Etats-Unis, prise le mois dernier et annoncée la semaine dernière, d’interrompre, progressivement, leur aide à ceux des rebelles syriens qu’ils soutiennent encore. S’il est trop tôt pour déclarer la fin de la guerre civile syrienne, celle-ci n’en entre pas moins dans une nouvelle phase marquée par cette réalité : Bachar Al-Assad consolide son emprise sur le pays.
La suspension de l’assistance américaine – armes, entraînement, financement – à l’Armée syrienne libre (ASL), la branche « modérée » de l’opposition syrienne, est dans la logique de la politique suivie par les Etats-Unis depuis quelques années. Comme Barack Obama, Donald Trump n’a pas pour priorité d’en finir avec la tyrannie du régime Al-Assad. L’objectif principal des Etats-Unis est de casser l’organisation dite « Etat Islamique » (EI). Il est en voie d’être assuré, avec la chute, déjà en partie acquise, de Rakka, la « capitale » de l’EI en Syrie – là, Washington maintient son soutien actif aux forces kurdes et arabes syriennes engagées dans la reprise de la ville.
Ailleurs, Trump, plus encore que son prédécesseur, aimerait se désengager de Syrie, autant que faire se peut. Çà et là, il est prêt à appuyer la Russie, l’un des parrains du régime syrien, dans ses efforts pour obtenir des cessez-le-feu locaux entre l’opposition et les forces de Damas, ou des zones de « désescalade » du conflit. C’est le cas dans le sud et le sud-ouest du pays. Cela pourrait concerner demain la région dite « de la Ghouta », à l’est de Damas.
Ailleurs, grâce au soutien massif de la Russie, de l’Iran et des affidés arabes de la République islamique – milices chiites libanaises et irakiennes –, le régime de Bachar Al-Assad est redevenu maître du pays – de tout l’ouest, notamment des grandes villes, ce qu’on appelle « la Syrie utile ». L’élément-clé de cette situation est connu : l’alliance conclue entre Moscou et Téhéran pour perpétuer le régime syrien.
Un choix difficile pour les Etats-Unis
C’est là que l’affaire se complique pour les Etats-Unis de Donald Trump. Dans la grande bataille opposant l’Iran à l’Arabie saoudite pour la prépondérance régionale, le président américain a choisi le camp opposé à celui de Moscou. M. Trump est à fond derrière Riyad, le chef de file du monde arabe sunnite, « l’adversaire » stratégique de Téhéran.
Les Etats-Unis sont confrontés à cette question : peuvent-ils laisser l’Iran s’implanter militairement en Syrie, là où le terrain est reconquis sur la rébellion syrienne et sur les djihadistes ? Pas question, répondent en chœur les capitales arabes tout comme Israël. La présence de la Russie en Syrie est une vieille tradition. Celle de l’Iran, par milices chiites interposées, ne sera pas tolérée. A un moment, M. Trump pourrait avoir à faire un choix difficile : défendre la cause de ses alliés arabes, saoudiens notamment, ou accepter la mainmise iranienne sur la Syrie.
Deuxième question : « le cas Bachar ». Si personne ne pose plus son départ comme une précondition à une éventuelle discussion sur l’avenir politique de la Syrie, personne ne se fait d’illusion non plus. Américains et Russes savent que, si le dictateur dispose du soutien incontestable d’une partie de la population, son maintien à terme entretiendra la colère de la majorité sunnite du pays – source d’un perpétuel renouveau djihadiste. La guerre de Syrie n’est pas finie.