Transgenres dans l’armée : la presse américaine dénonce une « énième faute politique »
Transgenres dans l’armée : la presse américaine dénonce une « énième faute politique »
En annonçant sur Twitter l’interdiction des transgenres dans l’armée, Donald Trump a tenté de « faire diversion » mais il s’est finalement attiré les foudres de son propre camp.
Les personnes transgenres sous le choc après les propos de Donald Trump
Durée : 01:32
Même au cœur de l’été, le président américain Donald Trump parvient à créer une nouvelle polémique. Il a annoncé, mercredi 26 juillet, que les personnes transgenres ne pourront pas servir dans l’armée américaine, estimant que celle-ci ne pouvait notamment pas « supporter le fardeau des coûts médicaux énormes » que leur présence entraînerait, selon lui. Il revient sur une mesure prise il y a un an par son prédécesseur, Barack Obama.
« Après consultation de mes généraux et des experts militaires, soyez avisés que le gouvernement des Etats-Unis n’acceptera pas ou n’autorisera pas les personnes transgenres à servir dans un quelconque service de l’armée américaine, a tweeté le président. Notre armée doit se concentrer sur une victoire décisive et totale et ne peut supporter le fardeau des coûts médicaux énormes et les perturbations que des personnes transgenres dans l’armée entraîneraient. Merci. »
Pour le Washington Post, l’interdiction des transgenres dans l’armée constitue une « énième faute politique ». Selon le quotidien, en voulant contraindre les démocrates à se positionner, Donald Trump a finalement obligé les personnalités politiques de son propre camp à défendre les transgenres. Car cette interdiction est loin de faire l’unanimité au sein des Républicains, rappellent les principaux quotidiens.
Les républicains « sur la sellette »
« Tout Américain qui respecte les normes médicales et de préparation actuelle devrait être autorisé à continuer de servir », a notamment déclaré John McCain, président du Comité des forces armées du Sénat, estimant par ailleurs que la manière de faire du président « est un autre exemple de la raison pour laquelle les principales annonces de politique ne devraient pas être faites sur Twitter ».
Même réaction de la part de Richard C. Shelby, sénateur républicain de l’Alabama. « Vous devriez traiter tout le monde équitablement et donner à tous la possibilité de servir », dit-il en s’adressant au président.
« La Maison Blanche pensait que cette annonce mettrait les démocrates sur le devant de la scène mais c’est le parti [des républicains] qui se retrouve sur la sellette, en devant se positionner sur les problèmes des LGBT qu’il a soigneusement évités depuis des années », analyse le quotidien.
D’autant que la presse américaine reprend plusieurs déclarations politiques qui tendent à prouver que le président américain n’a pas suffisamment consulté avant d’annoncer cette interdiction. Dans The Wall Street Journal, Rebecca Ballhaus et Ben Kesling expliquent ainsi que le Pentagone était incapable, mercredi, de préciser « le changement dans la politique des transgenres ». « Nous renvoyons toutes les questions concernant les déclarations du président à la Maison Blanche », a indiqué le porte-parole du Pentagone, le capitaine Jeff Davis.
Le moyen de « faire diversion »
Or, la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Huckabee Sanders, était incapable de dire « si les personnes transgenres actuellement en service seraient expulsées de l’armée », rapporte The Wall Street Journal. D’autres s’interrogent sur la réalité et la portée d’une telle annonce. Ainsi, USA Today se demande, avec ironie, « si une série de tweets constitue une directive présidentielle et si Trump doit signer des documents pour rendre la nouvelle politique efficace ».
Dans le Boston Globe, James Pindell remarque, pour sa part, que Donald Trump a choisi « un moment étrange » pour lancer un nouveau « sujet de controverse », l’actualité politique de ces deux derniers jours étant suffisamment tendue et chargée. Il rappelle ainsi que le Sénat a ouvert, mardi, un débat sur la réforme de l’Obamacare, que le président a cruellement humilié, mercredi, Jeff Sessions, son ministre de la justice – en l’accusant d’avoir adopté une posture « très faible » concernant l’ingérence de la Russie dans la campagne électorale –, et que les capacités nucléaires de la Corée du Nord posent « questions ».
Alors pourquoi choisir un tel « timing » pour encore en rajouter ? Le journal développe « trois théories ». La première, Donald Trump a voulu « faire diversion ». Il est « connu pour déclencher un tweet provocateur comme moyen de rediriger le cycle de nouvelles. Et quelle meilleure façon de distraire que d’aborder une question controversée, qui plus est sortie de nulle part », fait mine d’interroger le quotidien. La deuxième, également évoquée dans d’autres journaux, le président pensait « mettre la pression sur les démocrates ».
Le « soutien » des électeurs LGBT
La troisième, il a tenté de réconforter « sa base électorale » – notamment celle qui surfe sur le « site influent » Breitbart News – en « rassur [ant] les conservateurs » déçus par le traitement infligé à Jeff Sessions – « un véritable croyant en mesure de porter les causes des conservateurs », selon le journal.
Dans USA Today, David Jackson et Tom Vanden Brook évoquent comment, depuis son arrivée aux affaires, Donald Trump s’est fixé comme objectif d’abroger les réformes votées sous l’ère Obama, notamment celles qui concernent la réglementation environnementale. L’annonce concernant les transgenres en est le « dernier exemple », et « c’est une décision susceptible d’avoir des implications politiques », estime le quotidien.
Il rappelle, ainsi, comment le président a « cherché le soutien des électeurs LGBT pendant les élections contre la candidate démocrate Hillary Clinton ». Dans un tweet envoyé en juin 2016, Donald Trump avait déclaré à la communauté LGBT, selon USA Today, « je vais me battre pour vous alors que Hillary va s’entourer de personnes qui menaceront vos libertés et vos croyances ». C’est ce qu’on appelle un revirement.