« J’en ai plus qu’assez », « vous êtes pire que moi » : le « style Trump » s’affirme aussi dans les échanges diplomatiques
« J’en ai plus qu’assez », « vous êtes pire que moi » : le « style Trump » s’affirme aussi dans les échanges diplomatiques
Le « Washington Post » publie un verbatim de deux conversations téléphoniques tenues par le chef de l’Etat américain avec le premier ministre australien et le président mexicain.
Donald Trump, le 31 juillet, à Washington. | JOSHUA ROBERTS / REUTERS
« Poutine était un coup de téléphone agréable. Celui-ci est ridicule. » C’est en ces termes que Donald Trump concluait, le 28 janvier, sa première conversation avec le premier ministre australien, Malcolm Turnbull – que le président américain s’acharnera d’ailleurs à appeler « Malcom » durant tout l’entretien. Le Washington Post a publié en exclusivité, jeudi 3 août, un verbatim de deux conversations téléphoniques tenues par le chef de l’Etat américain avec le dirigeant australien et son homologue mexicain, Enrique Pena Nieto.
Ces documents ouvrent une fenêtre inédite, six mois seulement après que les conversations aient eu lieu, sur la véritable nature des relations entre les Etats-Unis, le Mexique et l’Australie. Loin du ton diplomatique des comptes rendus officiels publiés dans la foulée de ces conversations, ces verbatims montrent aussi un « style Trump » pour le moins affirmé.
« Vos paroles sont tellement belles, on devrait les mettre dans le communiqué »
« Je dirai que vous représentez le Mexique et que je représente les Etats-Unis et que nous trouverons un bon accord et que nous deviendrons presque des pères de nos nations – enfin presque, pas tout à fait, OK ? », demande ainsi Donald Trump à Enrique Pena Nieto pour le convaincre de se rallier à sa cause.
Une bonne partie de la conversation porte en effet sur l’avenir du mur entre les deux pays, promesse de campagne du milliardaire républicain. Donald Trump demande ainsi au Mexique d’arrêter de dire publiquement qu’il ne paiera pas la construction du mur frontalier. « Je dois obtenir que le Mexique paie le mur. Je le dois. J’en parle depuis deux ans », », explique le président américain, le 27 janvier.
A l’autre bout du fil, le président mexicain repousse ces injonctions en expliquant qu’il s’agit d’un problème « lié à la dignité du Mexique et à la fierté nationale de [son] pays ». Un argument pas entendu par Donald Trump.
« Mais en termes de dollars – ou de pesos – ça n’a aucune importance. Je sais comment construire de manière très peu chère, donc ce sera vraiment bien moins cher que tous les chiffres qu’on m’a présentés, et on aura un meilleur mur qui sera beau, et qui fera le boulot. »
Pour convaincre son homologue mexicain, Donald Trump ne lésine pourtant pas sur les compliments – « vos paroles sont tellement belles, on devrait les mettre dans le communiqué » – ni sur les promesses d’avenir : « Je veux que vous soyez tellement populaire que le peuple demandera un amendement à la Constitution pour vous permettre de vous présenter encore pour un nouveau mandat de six ans », dit ainsi Donald Trump.
Le président américain a aussi l’art de se mettre en avant, rappelant à l’envi : « Personne n’a rassemblé des foules aussi larges que moi. » Sans rougir notamment d’utiliser la troisième personne en parlant de lui-même : « Dans l’Ohio, ils ont des rassemblements pour Trump en ce moment même parce que Trump a une position dure sur le Mexique. » Coutumier du fait, Donald Trump n’hésite pas non plus à employer quelques mensonges pour parvenir à ses fins, affirmant ainsi qu’il a « gagné avec un large pourcentage de votants hispaniques », ce qui est factuellement incorrect rappelle le Washington Post.
« La vache, c’est beaucoup demander »
Avec le premier ministre australien, les choses se passent encore plus mal : « J’en ai plus qu’assez », lâche M. Trump, après de vifs échanges concernant l’accord signé entre les deux pays qui prévoit l’accueil par les Etats-Unis d’une partie des migrants arrêtés par l’Australie.
« Ce que je dis, c’est dieu que ça nous fait passer pour des mauvais. (…) Ça ressemble à 2 000 personnes dont l’Australie ne veut pas, et je ne vous le reproche pas d’ailleurs, mais les Etats-Unis sont devenus une décharge publique. »
Depuis un tour de vis de sa politique migratoire pour lutter contre les passeurs, Canberra n’accepte plus sur son sol, en effet, les migrants qui tentent d’arriver en bateau sur son territoire. Un choix politique que Donald Trump semble dans un premier temps approuver, répondant à son homologue qui lui explique le plan : « C’est une bonne idée. On devrait faire la même chose. Vous êtes encore pire que moi. » Avant de changer d’avis : « Mais c’est quoi le truc avec les bateaux ? Pourquoi vous discriminez les bateaux ? »
Malgré les arguments du premier ministre australien, qui rappelle les engagements de Barack Obama par le passé, Donald Trump persiste : « J’ai beaucoup d’amis en Australie, mais la vache, c’est beaucoup demander. » Selon lui, les Etats-Unis « ont autorisé bien trop de gens dans le pays qui devraient pas être là. » « Ça va me tuer. Je suis la personne la plus importante du monde et elle ne veut pas laisser des gens entrer dans le pays », dit-il encore, car « je hais de devoir accueillir ces gens ».
Là encore, la conversation donne lieu à des échanges surréalistes :
M. Trump : « OK, d’accord. Est-ce que l’Australie peut me garantir que si on a le moindre problème – vous savez que c’est ce qu’ils avaient dit à propos des terroristes du marathon de Boston. Ils avaient dit que c’était des jeunes hommes charmants. »
M. Turnbull : « Ils étaient Russes. Ils n’étaient pas d’un pays concerné [par l’accord]. »
M. Trump : « Ils étaient de là où ils étaient. »
Si le président américain semble accepter, la mort dans l’âme, la poursuite de cet accord entre les deux nations alliées, la conversation pour le moins tendue lui permet de tirer un bilan diplomatique plutôt lugubre du monde :
« Laissez-moi vous dire ça. Nous vivons à une période malfaisante, mais c’est aussi une période complexe parce qu’on n’a pas d’uniformes qui se tient en face de nous. Ce truc d’ISIS [accronyme anglais pour Etat islamique], c’est quelque chose auquel nous allons devoir consacrer beaucoup d’énergie. »
Avant de se rassurer : « Mais nous allons avoir beaucoup de succès. »
Donald Trump peut-il être destitué ?
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