Fin de la campagne électorale au Kenya
Fin de la campagne électorale au Kenya
Par Bruno Meyerfeld (contributeur Le Monde Afrique, au Kenya)
Les candidats à la présidentielle kényane ont réuni une dernière fois leurs partisans ce samedi, à trois jours d’un scrutin où le président sortant Uhuru Kenyatta brigue un second mandat.
Le chef de file de l’opposition kenyane, Raila Odinga, le 2 août 2017, à Suswa. | BAZ RATNER / REUTERS
Dernier jour de campagne. Derniers meetings géants. Les candidats à la présidentielle kényane ont réuni une dernière fois leurs troupes, samedi 5 août, avant les élections générales prévues pour le 8 août.
La campagne électorale a officiellement pris fin vendredi au coucher du soleil. Du côté du président sortant Uhuru Kenyatta, candidat à un second mandat, et de l’opposant Raila Odinga, il s’agissait de montrer ses muscles et prouver sa force.
Pour l’opposition, ce fut chose faite depuis le parc « Uhuru », au cœur de la capitale Nairobi. Celle-ci a rassemblé samedi une foule imposante de milliers de personnes, réunis en nombre face à une scène gigantesque. Un après-midi entier, sous un beau soleil, les supporteurs de « Raila » ont soufflé à perdre haleine dans les vuvuzelas et dansé les deux bras levés. Crié « baba président ! » (« papa », surnom d’Odinga) et hurlé « révolution ! » Une ambiance de kermesse. Presque de victoire.
Car après une campagne plutôt réussie, Raila Odinga termine la course à la course au coude à coude avec le chef de l’Etat sortant, longtemps grand favori des sondages. À 72 ans, ce vétéran de la politique opposant a pourtant déjà perdu trois présidentielles. « Mais cette fois on va gagner ! Raila sera le meilleur président de l’Afrique et du monde !, assure sans rire Adwima Gichanzu, debout droit comme un piquet pour apercevoir son champion.
« Un coup de balai »
« Le Kenya reste un pays pauvre. La vie est chère, rien n’est fait pour le ’mwananchi’, l’homme du peuple », poursuit-il. D’un bout à l’autre de la pelouse, le ton est remonté contre la tribu Kikuyu, qui a produit trois des quatre présidents du Kenya indépendant, dont Uhuru Kenyatta. « Depuis 50 ans ils dominent ce pays. Ils gardent le pouvoir pour eux et en privent les autres. Il est temps que les choses changent ! », insiste Aragostin, un bulletin de vote géant aux couleurs d’Odinga serré dans les bras.
Après plusieurs heures d’attente, le chef de l’opposition fait finalement son entrée sur scène accompagné de ses alliés de la très hétéroclite coalition Super Alliance Nationale (NASA). « Samedi, vous serez tous invités à la State House [le palais présidentiel] pour une fête de victoire ! » promet Odinga à ses troupes, de sa voix grave et gutturale.
Sentant la victoire à portée de main, le boxeur aguerri retient prudemment ses coups, évite les diatribes trop ardentes contre la commission électorale (IEBC) et le pouvoir judiciaire, qu’il a pourtant étrillés, des mois durant, et décrits comme opaques ou partisans. « Le 9 [août] Kenyatta redeviendra un simple citoyen ! Je vais donner un coup de balai pour lutter contre la corruption et le tribalisme ! », tonne Odinga, chemise blanche immaculée et chasse-mouches à la main, comme pour lier le geste à la parole.
Le président kenyan, Uhuru Kenyatta, le 3 août 2017, à Kitui. | BAZ RATNER / REUTERS
« Finissons le boulot ! »
Loin de l’enthousiasme des foules de Nairobi, Uhuru Kenyatta a terminé sa campagne en demi-teinte et un peu à bout de souffle, éreinté par un véritable marathon qui l’a mené dans plus 800 meetings en 70 jours. Toujours donné gagnant, mais avec une très légère avance, le chef de l’Etat a tenté une dernière fois de se rassurer en réunissant ses partisans dans un stade de la ville de Nakuru (Rift), à 150 kilomètres de la capitale.
Mais la passion des supporteurs du parti au pouvoir Jubilee était bien en dessous de celle des foules de l’opposition à Nairobi. Une dernière fois, le président a donc vanté son bilan (développement des infrastructures, croissance soutenue, amélioration des services publics…) et détaillé son programme (éducation secondaire gratuite, création d’1,5 million d’emplois par an…). « Nous avons posé des fondations solides qui vont propulser notre pays à un niveau plus élevé de développement. C’est pour cela que nous sommes confiant dans le fait que les Kényans voteront pour nous mardi », a expliqué, laconique, le président sortant. Le tout sous un slogan peu engageant : « Finissons le boulot ! »
La campagne ne s’est pas terminée sans tensions. L’enquête sur l’assassinat la semaine dernière d’un haut responsable de la commission électorale, Chris Msando, marque le pas. Pour ne rien arranger, l’opposition accuse aujourd’hui la police d’avoir mené vendredi soir un raid contre l’un de ses bureaux à Nairobi. Les locaux auraient été « saccagés », les portes brisées et des ordinateurs volés par des hommes masqués et armés. Et enfin dans le même temps, samedi soir, deux expatriés américain et canadien, dirigeants d’une société de conseil œuvrant pour la campagne d’Odinga, devraient être expulsés du pays par les autorités kényanes pour des raisons encore floues. Pas de quoi rassurer les 19 millions d’électeurs kényans, appelés aux urnes mardi, dès 6 heures du matin.