Le ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, lors d’une conférence de presse en marge du sommet de l’Asean, lundi 7 août 2017. | MOHD RASFAN / AFP

La Chine a réussi à dicter sa loi lors du sommet des ministres des affaires étrangères de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) qui s’est tenu à Manille samedi 5 et dimanche 6 août. Le Vietnam, désormais seul pays de la région à faire de la résistance contre l’imperium chinois, s’était employé, durant des jours, à convaincre les neuf autres membres de l’Asean de trouver un langage commun de fermeté vis-à-vis de Pékin au sujet de la construction controversée d’îlots artificiels en mer de Chine du Sud, une zone disputée entre plusieurs pays de la région.

Mais las. Le communiqué commun, diffusé dimanche en fin de soirée, a été formulé de manière à ne pas offenser le grand et sourcilleux voisin du Nord. « C’est une spectaculaire victoire diplomatique pour la Chine », a résumé Richard Javad Heydarian, professeur de sciences politiques à l’université de La Salle, à Manille. « Ce [communiqué] est le résultat significatif de notre effort collectif », a déclaré le ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, qui participait au sommet.

Les îles Spratleys (point rouge) situées à l’est du Vietnam, en mer de Chine du Sud, une zone disputée entre plusieurs pays de la région.

Filet d’eau tiède diplomatique

Le texte commun se contente de rappeler que les ministres des affaires étrangères des pays de l’Asean, ce regroupement régional notoirement divisé, ont « longuement discuté des questions relatives à la mer de Chine du Sud et pris note des préoccupations exprimées par certains ministres à propos des constructions artificielles dans la zone, [constructions] qui ont eu pour conséquence d’accroître les tensions et pourrait menacer la paix, la sécurité et la stabilité régionale ».

La Chine n’est mentionnée à aucun moment et le vocabulaire de fermeté à l’égard de Pékin, défendu dans les tractations en marge du sommet par le ministre des affaires étrangères vietnamien, Pham Binh Minh, n’aura donné lieu qu’à une sorte de filet d’eau tiède diplomatique.

Une première version du communiqué proposé par le Vietnam, dont Le Monde avait pu lire une copie, s’alarmait très clairement du fait que les îlots artificiels construits par les Chinois dans les îles Spratleys puissent être exploités « à des fins militaires ». Pékin a également obtenu que la perspective de l’établissement d’un hypothétique « code de conduite » régional avec la Chine, destiné à prévenir d’éventuels incidents, ne soit pas « juridiquement contraignant ».

Le soutien des alliés de la Chine

Pour assurer son succès diplomatique, la Chine a pu compter sur d’indéfectibles alliés au sein de l’Asean, dont au premier chef le Cambodge et son premier ministre, Hun Sen. Son pays est bénéficiaire de la « diplomatie du chéquier », amplement pratiquée par Pékin. Longtemps critiques à l’égard de la Chine, les Philippines du président Rodrigo Duterte ont désormais changé de camp et jouent plus ou moins le jeu de Pékin. Quant à la Malaisie et à son premier ministre, Najib Razak, empêtré dans d’embarrassantes affaires de corruption, il penche désormais vers la Chine.

Reste le Vietnam, vieil adversaire de l’empire du Milieu, qui l’occupa pendant mille ans – jusqu’en l’an 938. Hanoï est désormais isolé au sein de l’Asean dans sa velléité de résistance contre la Chine. Comme le dit Carl Thayer, professeur émérite à l’université de Nouvelle-Galles du Sud (Australie) et spécialiste du Vietnam : « La situation du Vietnam est précaire, car les autres Etats membres de l’Asean ne veulent pas être la cible de la colère de Pékin. »