File d’attente devant une banque de la capitale libyenne, Tripoli, le 14 février 2017. | MAHMUD TURKIA / AFP

En Libye, le moindre billet de banque est un objet rare. Faire des courses est devenu une gageure pour de nombreux Libyens, confrontés au manque de liquidités qui sévit depuis la révolution de 2011. Pour tenter de résoudre le problème dans un pays où les paiements par chèque sont rares et ceux par carte bleue sont inexistants, les banques ont créé un nouveau mode de règlement : le paiement à l’aide d’un téléphone portable.

Avec une application, commerçants et consommateurs échangent un code pour effectuer la transaction. Plusieurs milliers de commerces dans le pays utilisent désormais ce moyen de paiement. La Banque du commerce et du développement (BCD) propose par exemple l’application Edfali (« paie-moi » en arabe) à ses clients, tandis que la Wahda Bank a lancé l’application MobiCash.

Pour beaucoup de Libyens, cette nouveauté est une véritable facilité au quotidien dans un pays où les files d’attentes s’allongent sans cesse devant les banques et où les garanties de pouvoir retirer de l’argent sont faibles. Et même lorsqu’ils peuvent retirer, les montants sont limités.

Une économie exsangue

L’économie libyenne souffre depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. La transition politique n’est toujours pas terminée, les rivalités tribales et politiques ayant été fatales au fonctionnement, déjà fragile, des institutions de l’Etat. Le Gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par la communauté internationale et siégeant à Tripoli, se voit toujours contester son pouvoir par des autorités parallèles installées dans l’est du pays.

La production de pétrole s’est effondrée et les cours de l’or noir ont baissé alors que les hydrocarbures fournissent la quasi-totalité des revenus gouvernementaux. En 2016, la croissance était négative à – 8,1 %, après être descendue à – 10,1 % en 2015. En 2017, les prix ont été multipliés par trois, voire quatre.

La majeure partie de la population active est dans la fonction publique. Les fonctionnaires reçoivent ainsi leurs salaires directement sur les comptes en banque mais en raison du manque de liquidités, il leur est difficile de retirer à leur guise.

Conséquence : beaucoup de Libyens ont arrêté de déposer leur argent dans les banques. Et au fil des ans, les billets sont donc sortis du circuit sans jamais vraiment y revenir, créant une crise de liquidités sans précédent. Sans compter que dualité des institutions politique rime avec dualité des institutions économiques, et que la Libye compte deux banques centrales.

Un impact limité

Le nouveau service de paiement par téléphone mobile ne fait toutefois pas l’unanimité. Certains consommateurs assurent que les prix ont encore considérablement augmenté avec les applications. Sur son site Internet, la BCD encourage d’ailleurs ses clients à signaler les majorations des prix pour les paiements avec Edfali.

Des commerçants soulignent également que la banque aurait promis qu’il serait possible de retirer un certain montant des ventes en liquide, sans que cela soit réellement le cas. Plusieurs d’entre eux auraient déjà renoncé au système.

D’épaisses liasses de dinars libyens continuent de passer de main en main hors du circuit des banques. Particuliers ou commerçants, un nombre non négligeable de Libyens préfèrent garder leur argent sous leur matelas.

Ce nouveau mode de paiement n’a pas encore convaincu la majorité des Libyens, qui continuent à attendre le temps qu’il faut devant les banques pour retirer de l’argent. S’ils y parviennent.