Pourquoi les nouvelles sanctions contre la Corée du Nord dépendent de la Chine
Pékin soutient des sanctions contre la Corée du Nord et appelle à la reprise du dialogue
Par Marie Bourreau (New York, Nations unies, correspondante)
Pékin, qui assure 80 % des échanges commerciaux avec la Corée du Nord, décidera si les nouvelles sanctions de l’ONU seront ou non efficaces.
L’ambassadeur de la Chine auprès de l’ONU, Liu Jieyi, avec son homologue américaine, Nikki Haley, le 5 août. | Mary Altaffer / AP
Sur le papier, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté à l’unanimité, samedi 5 août, les sanctions les plus fermes jamais adoptées contre un pays après un test de missile balistique. Dans les faits, il faudra que ce septième train de sanctions depuis 2006 soit effectivement mis en œuvre pour espérer geler le programme nucléaire et balistique nord-coréen, qui représente une « menace non plus régionale mais mondiale ».
La résolution 2371, à l’initiative des Américains et ardemment négociée pendant près d’un mois avec les Chinois – alliés de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) – et la Russie, fait suite aux deux tirs de missiles balistiques intercontinentaux des 3 et 28 juillet.
L’ONU interdit dorénavant à Pyongyang d’exporter son charbon, son plomb, ses minerais et ses produits issus de la pêche. Cette interdiction représente un manque à gagner d’un milliard de dollars chaque année, soit un tiers du budget du régime nord-coréen. Ces sanctions commerciales sont combinées avec des sanctions financières et individuelles « dans la même veine que les sanctions contre l’Iran qui avaient conduit à l’accord sur le nucléaire », explique un diplomate.
« Trop peu, trop tard »
Elles représentent un « coup dans le ventre » pour le régime de Kim Jong-un, s’est félicitée l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, tout en reconnaissant qu’il ne fallait pas « se leurrer en pensant avoir résolu le problème. Nous en sommes encore loin. La menace nord-coréenne est toujours là et de plus en plus dangereuse ».
« C’est trop peu et trop tard », regrette pourtant Shea Cotton, chercheur au centre James Martin pour les études sur la non-prolifération, qui fait valoir que le régime joue sa survie avec son programme nucléaire et qu’il trouvera toujours les moyens nécessaires pour le financer. Cela n’a pas empêché Donald Trump de se réjouir sur Twitter d’avoir obtenu le soutien de la Chine et de la Russie pour une résolution qui aura un « immense impact financier ».
En déplacement à Manille pour le forum régional de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean), le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, s’est dit encouragé par ce vote, mais des responsables américains ont aussitôt prévenu que la Chine, qui assure 80 % des échanges commerciaux avec la RPDC, restait sous l’étroite surveillance de Washington.
Le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, présent lui aussi au forum, a joué au contraire l’apaisement alors que Pékin observe avec inquiétude l’hyperactivité militaire dans la région et les bruits de bottes de l’armée américaine à sa frontière. « La question de la péninsule coréenne entre dans un moment critique, a-t-il convenu. Nous exhortons toutes les parties à adopter une attitude responsable (…). Nous devons en particulier éviter une nouvelle escalade de la situation. Les sanctions sont nécessaires mais ne sont pas le but ultime. »
Pékin s’est toujours assuré que les sanctions ne conduisent pas à l’implosion du régime communiste, et s’est opposé à l’embargo sur le pétrole qu’auraient souhaité les Etats-Unis et qui aurait eu des conséquences humanitaires négatives sur la population nord-coréenne. « De fait, la Chine aura l’autorité ultime pour l’application de ces sanctions, ce qui signifie que, si elle décide qu’elles sont trop strictes ou qu’il y a un certain avantage à les relâcher, elle ne les appliquera pas ou alors de mauvais cœur », estime M. Cotton.
« Leviers nécessaires »
Les sanctions restent néanmoins l’un des seuls outils du Conseil de sécurité pour exercer une pression sur Pyongyang. Pour François Delattre, l’ambassadeur français à l’ONU, cette position de fermeté était essentielle pour donner au Conseil les « leviers nécessaires pour ramener la RPDC à la table des négociations et mettre en place une stratégie politique » afin de résoudre ce conflit.
« La résolution est très explicite sur la volonté de relancer les pourparlers de paix à six » – Chine, Russie, Etats-Unis, Japon et les deux Corées –, note d’ailleurs George Lopez, qui fut expert au comité des sanctions sur la Corée du Nord et qui y voit « une réelle avancée par rapport aux positions prises précédemment par l’administration de Donald Trump ». Après plusieurs semaines de menaces de représailles militaires, cette résolution pourrait marquer une première inflexion dans la position de Washington et un compromis envers Pékin.
« Ce texte offre une ouverture aux Nord-Coréens pour aboutir à ce qu’ils souhaitent, c’est-à-dire des pourparlers directs ou indirects avec les Etats-Unis », estime M. Lopez. « La balle est maintenant dans le camp des Nord-Coréens », a simplement résumé l’ambassadrice américaine.
Corée du Nord : les réponses à vos questions
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