Des gaz lacrymogènes lors d’une manifestation antigouvernementale à Khartoum, au Soudan, le 15 janvier 2019.0 / Mohamed Nureldin Abdallah / REUTERS

La police a dispersé à coups de gaz lacrymogènes, jeudi 17 janvier, des manifestants antigouvernementaux qui marchaient en direction du palais présidentiel pour appeler le président Omar Al-Bachir à quitter le pouvoir, quatre semaines après le début de la contestation. Déclenchées le 19 décembre par la hausse des prix du pain et des médicaments et les pénuries dans un pays en plein marasme économique, les manifestations se sont transformées en rassemblements quasi quotidiens contre M. Al-Bachir, qui a catégoriquement rejeté leur appel à partir après trois décennies de règne.

Après un appel à manifester à Khartoum et dans d’autres villes du pays jeudi, des Soudanais se sont rassemblés dans le centre de la capitale avant de se diriger vers le siège de la présidence. Mais la police est aussitôt intervenue en tirant des gaz lacrymogènes pour les disperser, selon des témoins. Dès le matin, des membres de la sécurité ont été déployés le long de la route menant au palais, selon un correspondant de l’AFP sur place. Plusieurs véhicules militaires montés de mitrailleuses ont été stationnés à l’extérieur du palais.

Les manifestants, qui utilisent les réseaux sociaux pour s’organiser, scandent « liberté, justice et paix » et certains crient « le peuple veut la chute du régime », le slogan des « printemps arabes » de 2011. « Il y a un élan et les gens manifestent tous les jours », souligne le chroniqueur Faisal Mohamed Salih. « Je manifeste et je continuerai de manifester jusqu’à ce que ce régime tombe », lance Adel Ibrahim, 28 ans, qui participe aux manifestations à Khartoum : « Nous protestons pour sauver l’avenir de notre pays. »

Environ 1 000 personnes arrêtées

Des manifestations ont également eu lieu dans les villes de Port-Soudan et Gadaref, dans l’est du Soudan, selon des témoins. Ces dernières semaines, les rassemblements ont été systématiquement dispersés par la police. Depuis le 19 décembre, 24 personnes sont mortes, selon un bilan officiel. Human Rights Watch et Amnesty International parlent d’au moins 40 morts, dont des enfants et du personnel médical. Environ 1 000 personnes, dont des militants, des opposants et des journalistes, ont été arrêtées, selon des groupes de défense des droits humains.

Un vent de révolution au Soudan
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A Genève, la Haut Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, s’est dite « très préoccupée » par l’« usage excessif » de la force, « y compris l’usage de balles réelles », par les forces de sécurité contre les manifestants au Soudan. « Une réponse répressive ne peut qu’aggraver les griefs », a-t-elle affirmé dans un communiqué, appelant « toutes les parties à s’abstenir de recourir à la violence ».

Après avoir commencé à Atbara, à 250 km au nord-est de Khartoum, les manifestations se sont rapidement propagées jusqu’à la capitale et au Darfour, dans l’ouest du pays. L’Association des professionnels soudanais, qui regroupe notamment des médecins, des professeurs et des ingénieurs, est le fer de lance de ces manifestations. Pour les analystes, ce mouvement représente le plus sérieux défi pour M. Al-Bachir depuis son arrivée au pouvoir en 1989, après un coup d’Etat soutenu par les islamistes.