Un an après la mort de Chaolin Zhang, les Chinois d’Aubervilliers restent inquiets
Un an après la mort de Chaolin Zhang, les Chinois d’Aubervilliers restent inquiets
Par Justine Reix
Ce père de famille avait était assassiné par trois agresseurs, victime du cliché selon lequel les Chinois transporteraient de grosses sommes d’argent.
Guangrong Chen tend son portable. Sur l’écran défilent des dizaines de photos de sa femme, le visage tuméfié. Il y a dix ans, sa compagne et lui ont été agressés par trois fois. Comme Chaolin Zhang, assassiné le 7 août 2016 à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), ce père de famille porte un simple sac en bandoulière. Il y a un an, c’est justement un sac, que les agresseurs de M. Zhang pensaient rempli d’argent, qui a valu la vie à ce couturier de 49 ans. Agressé dans la rue, il a reçu un coup de pied au torse et est tombé sur le trottoir, un choc qui lui occasionna un traumatisme crânien.
Un an après jour pour jour, une trentaine de personnes se sont rassemblées devant la photo du père de famille disparu, entourée de gerbes de fleurs. Guangrong Chen, VTC la journée, a pris un jour de congé pour participer à ce rassemblement. « Quand on marche dans la rue, les gens pensent qu’on a une banque sur nous », dit-il. Victime du cliché selon lequel les Chinois transporteraient de grosses sommes d’argent sur eux, la communauté est particulièrement visée par les vols à l’arraché. Depuis l’agression de sa femme, il va, tous les soirs, la chercher à la sortie du travail : « Il est hors de question qu’elle rentre seule. »
Père de trois enfants, il a choisi de scolariser les deux plus grands en province, parce que « c’est mieux qu’ici ». Il habite à Aubervilliers depuis dix-sept ans et pense souvent à déménager. Ses voisins chinois partent un à un, pour retourner en Chine ou trouver une ville plus calme en France. Des policiers ont été jusqu’à lui conseiller de changer de quartier.
Treize nouvelles caméras de surveillance
Arrivées sur les lieux de l’hommage, la femme et la sœur de Chaolin Zhang se sont effondrées sur le trottoir, regardant fixement les bougies.
Jean-François Monino, adjoint à la sécurité de la mairie d’Aubervilliers, assiste à la cérémonie silencieusement. L’élu garde espoir et défend l’action de ses services : « La police a fait son travail. Les caméras que nous avons installées dans la ville nous ont permis d’identifier les trois agresseurs. » Treize nouvelles caméras seront installées d’ici à la fin de l’année. Le choix des zones a été discuté avec les associations chinoises du quartier. Depuis huit ans, la mairie rencontre régulièrement la communauté chinoise pour réduire les agressions. Des traducteurs chinois accompagnent désormais les victimes dans leurs plaintes.
Des actions qui ne semblent pas suffisantes pour la plupart des habitants chinois du quartier. Tamara Lui, présidente de l’association Chinois de France, dénonce le manque de policiers. « Il y a un effort de la part des collectivités locales, mais ce n’est pas suffisant », estime-t-elle, jugeant que les violences ne s’arrêtent pas aux portes de la Seine-Saint-Denis. « La mort de Chaolin Zhang a mis en lumière un racisme dont on ne parlait jamais avant. »
Alors que la famille panse encore ses plaies, elle attend maintenant un jugement. Les trois agresseurs accusés de « vol avec violences ayant entraîné la mort », avec circonstance aggravante de « racisme », encourent jusqu’à trente ans d’emprisonnement.