Moralisation de la vie politique : une loi à l’épreuve des faits
Moralisation : la loi à l’épreuve des faits
Editorial. Après leur adoption définitive, il faut désormais que les textes soient respectés, dans leurs dispositions comme dans leur esprit.
L’Assemblée nationale, le 4 juillet. / Michel Euler / AP
Editorial du « Monde ». Il se trouvera toujours des perfectionnistes, plus royalistes que le roi, pour ne retenir d’un projet de loi que ce qui n’y figure pas. On le vérifie à nouveau avec l’adoption définitive par le Parlement, mercredi 9 août, des deux lois, organique et ordinaire, visant à rétablir la confiance dans la vie politique.
Les uns n’ont pas manqué de regretter que les parlementaires aient renoncé à faire sauter le « verrou de Bercy », qui réserve à l’administration, et non à la justice, le traitement des infractions fiscales. Les autres ont déploré que n’aient pas été purement et simplement interdites aux parlementaires les activités de conseil, susceptibles de nourrir des conflits d’intérêts.
Il n’empêche. Annoncé par Emmanuel Macron durant sa campagne et adopté dès le début de son quinquennat, ce dispositif de moralisation de la vie publique constitue un indéniable progrès. On est certes loin de la nuit du 4 août 1789. Mais les lois du 9 août 2017 abolissent quelques privilèges, ou privautés, dont bénéficiaient depuis des lustres les élus de la nation et que de multiples « affaires » ont fini par rendre insupportables aux yeux des Français.
Ainsi, pour ne retenir que les principales dispositions, les « emplois familiaux » seront désormais interdits : députés et sénateurs, mais aussi ministres et responsables d’exécutifs locaux ne pourront plus employer ni rémunérer des membres de leur famille proche. Les déboires du candidat Fillon durant la campagne présidentielle ont plus que jamais démontré combien cette pratique, fréquente au Palais-Bourbon comme au Palais du Luxembourg, pouvait conduire à des dérives choquantes.
Des mesures salutaires
De même, les indemnités de frais de mandat (6 140 euros par mois pour un député, 5 600 euros pour un sénateur) qui complètent la rémunération de base des parlementaires seront désormais beaucoup plus sérieusement contrôlées, pour vérifier qu’elles correspondent à des dépenses justifiées par l’exercice du mandat parlementaire et justifiables par des notes de frais. Fini l’opacité qui en faisait trop souvent un complément de revenu. L’Assemblée et le Sénat doivent établir, dans les prochains mois, la liste des dépenses autorisées.
Enfin, la « réserve parlementaire » a été supprimée. Cette enveloppe annuelle, répartie entre les élus de façon aussi discrétionnaire que furtive, leur permettait de distribuer d’opportunes subventions aux communes ou associations de leur circonscription. Cette pratique clientéliste n’était pas seulement archaïque, mais plus que contestable dans le cas des sénateurs, dont les maires des petites communes constituent le gros de leurs électeurs.
Voilà donc des mesures salutaires. Mais comme le disait récemment la ministre de la justice, Nicole Belloubet, « une loi à elle seule ne fait pas le printemps ! Il faudra qu’il y ait une évolution des comportements ». En clair, que la loi soit respectée, dans ses dispositions comme dans son esprit.
Or l’expérience prouve que ce n’est jamais garanti. Depuis une trentaine d’années, pas moins de douze lois ont été adoptées pour « moraliser » la vie politique, assurer la transparence de son financement et rappeler aux élus comme aux gouvernants leur devoir d’exemplarité. Cela n’a pas empêché les scandales à répétition, depuis les financements illégaux de campagnes électorales jusqu’aux emplois fictifs des Parlements français ou européen. C’est à l’épreuve des faits que les Français recommenceront à croire à la nécessaire vertu de leurs dirigeants.