Le supermarché Carrefour d’Evere (région de Bruxelles-Capitale), en février 2010. / JULIEN WARNAND / AFP

Quarante-huit heures après l’annonce, par Alexandre Bompard, de son traitement de choc pour redresser Carrefour (suppression de 2 400 emplois au siège, plan de sauvegarde de l’emploi pour le personnel des 273 ex-magasins Dia avec l’objectif de reclasser « au moins » la moitié des 2 100 salariés), la direction de Carrefour Belgique a fait savoir, jeudi 25 janvier, que 1 233 postes pourraient être supprimés dans le pays, soit près de 11 % des effectifs. Cette annonce a déclenché des arrêts de travail immédiats dans des magasins, en plusieurs endroits.

Deux des 45 hypermarchés du groupe fermeront d’ici au moins de juin, tandis que trois autres seront transformés en supermarchés. Au total, 1 053 travailleurs des hypermarchés devraient être licenciés, et 180 employés au siège du groupe, à Evere (région de Bruxelles-Capitale).

La direction a assuré que les 443 supermarchés et les 296 magasins Express (des enseignes de proximité) ne seraient pas concernés par ces mesures. Carrefour Belgique a même évoqué l’ouverture d’une trentaine de nouveaux supermarchés dans le courant de 2018, ainsi que la création de 70 points de retrait pour le commerce en ligne. Le groupe prévoit aussi une extension des heures d’ouverture, couplée à une révision des conditions de travail. « A la baisse », selon la Centrale nationale des employés (chrétienne).

« C’est un carnage social », juge pour sa part le Syndicat des employés et cadres (socialiste). Le Parti du travail (gauche radicale) dénonce la démarche d’un groupe qui a réalisé 65 millions d’euros de bénéfices dans le royaume en 2016 et jouit des avantages fiscaux octroyés par les autorités aux multinationales.

« Manque de clarté »

Soumis à la pression de l’opposition et « en contact » avec la direction de Carrefour, le gouvernement fédéral a promis un soutien aux travailleurs et à leur famille. A la Chambre des députés, où se tenait une séance jeudi après-midi, les ministres se sont vu reprocher d’avoir autorisé des licenciements plus rapides qu’avant.

« Votre impuissance est patente », a lancé le député écologiste Georges Gilkinet. Son collègue socialiste, Jean-Marc Delizée, a mentionné « l’inutilité » des baisses de cotisations sociales promues par le gouvernement du libéral Charles Michel afin de défendre l’emploi.

Aux organisations syndicales, qui fustigent le « manque de clarté » de son plan de transformation, la direction belge, à l’instar de celle du groupe, a expliqué qu’il était indispensable de réduire les coûts, tout en investissant dans le numérique et le bio. Objectif : relever « de nouveaux défis » dans un secteur particulièrement concurrentiel en Belgique, où les enseignes généralistes souffrent face aux chaînes à bas coût et aux magasins spécialisés.

L’un des principaux concurrents belges de Carrefour, la chaîne Delhaize, a fusionné en 2015 avec le Néerlandais Ahold et les allemands Aldi et Lidl grappillent sans cesse des parts sur un marché qui reste toutefois dominé par un acteur national : Colruyt Group.

Carrefour Belgique, qui représente 5 % du chiffre d’affaires du groupe, à 4,375 milliards d’euros, n’en est pas à sa première restructuration dans le royaume. En 2010, l’entreprise avait procédé à une vaste réorganisation qui avait entraîné la disparition de 1 700 emplois et 14 magasins.

Crainte d’un désengagement complet

Dix ans après avoir racheté la chaîne GB, Carrefour détenait alors près de 25 % des parts du marché belge et employait 15 000 personnes, dont les deux tiers à temps partiel. Les syndicats redoutaient un désengagement complet et soulignaient le risque d’une revente de toutes les activités belges. Seule une partie de celles-ci a finalement été cédée.

A l’époque, la direction parlait des projets « considérables » pour la modernisation des activités dans un pays où le groupe avait concentré une partie de ses activités financières, ce qui lui aurait rapporté plusieurs dizaines de millions d’euros.

Il y a huit ans, Carrefour était déficitaire dans le royaume et quatre dirigeants s’étaient succédé à la tête du groupe en l’espace d’une décennie. Ils avaient régulièrement dénoncé le niveau des salaires, trop élevé d’après eux, dans le pays, mais n’avaient pas élaboré de véritable stratégie. Les quotidiens s’en prenaient, de leur côté, à « l’arrogance » de dirigeants français arrivés en « conquérants » mais coupables, surtout, d’avoir sous-estimé la concurrence.