Œufs contaminés : les ingrédients du scandale sont réunis
Œufs contaminés : les ingrédients du scandale sont réunis
Editorial. Après les lasagnes au cheval en 2013, cette nouvelle affaire ne peut qu’accroître la défiance à l’égard de la chaîne agroalimentaire, et envers l’Union européenne.
Editorial du « Monde ». Consommateurs avertis, vous avez certainement aimé, il y a quatre ans, le feuilleton des lasagnes estampillées « pur bœuf », mais en réalité « pur cheval », vendues dans les supermarchés de France, de Navarre et d’une douzaine de pays européens. Vous allez donc adorer la nouvelle saga de l’agrobusiness : ces tonnes d’œufs contaminés au fipronil, vendus à des entreprises de plusieurs pays européens, dont la France, qui les ont transformé en ovoproduits destinés à la fabrication industrielle de sauces, gâteaux et autres pâtes à crêpes.
La recette du scandale est identique. Au point de départ, l’on trouve toujours une escroquerie : l’usage frauduleux – et lucratif – par des acteurs peu scrupuleux de la chaîne agroalimentaire de produits interdits par les réglementations sanitaires (ou commerciales). En l’occurrence, le fipronil est un insecticide très efficace utilisé dans le traitement antiparasitaire des animaux domestiques, mais en principe banni pour les animaux d’élevage produisant des denrées alimentaires.
Explications vaseuses
Ingrédient numéro 2 : des circuits tortueux et des intermédiaires douteux. Dans le cas des œufs contaminés qui défrayent aujourd’hui la chronique, le fipronil aurait été acheté en Roumanie par une entreprise belge, qui l’aurait revendu à un élevage industriel hollandais, qui a ensuite fourni des millions d’œufs à des entreprises de transformation allemandes, suisses, suédoises, danoises, britanniques, roumaines, luxembourgeoises… et françaises.
Ingrédient numéro 3 : des mécanismes de surveillance et de contrôle défaillants. Il apparaît en effet que le ou les élevages hollandais incriminés utilisaient le fipronil depuis novembre 2016. Les autorités belges n’en ont été alertées qu’au début du mois de juin et n’ont informé leurs partenaires européens que le 20 juillet.
Et pour lier le tout, il convient d’ajouter les explications vaseuses des autorités des pays touchés par la fraude. De même que le nuage radioactif de Tchernobyl s’était miraculeusement arrêté, il y a trente ans, à la frontière française, l’on a commencé par nous assurer que pas un œuf contaminé n’était entré en France, avant de constater que deux, puis cinq « casseries » (sur les 80 que compte le pays) en avaient utilisé, dans la Vienne, le Morbihan, le Maine-et-Loire, le Nord et le Pas-de-Calais.
Un flou certain règne
Le résultat est aussi inévitable que déplorable : les consommateurs sont de plus en plus soupçonneux. D’une part, un flou certain règne quant à la toxicité du fipronil. D’autre part, cette nouvelle affaire ne peut qu’accroître la défiance à l’égard de la chaîne agroalimentaire. Le renforcement indéniable des normes sanitaires, de traçabilité et d’étiquetage ne dissipe pas l’opacité de bien des secteurs de la transformation.
Que dire enfin de la défiance à l’égard de l’Union européenne. Sauf à fermer les yeux sur les escrocs de la malbouffe, la libre circulation des produits alimentaires sur son grand marché commun devrait s’accompagner d’une exigeante mutualisation de la surveillance et des contrôles, sanitaires ou autres. L’actuelle affaire des œufs contaminés démontre combien l’on en est loin. Plutôt que de le déplorer à chaque scandale, les gouvernements feraient mieux d’y remédier.