Un empereur japonais, un pionnier de l’aviation et trois bandits : notre sélection de replays
Un empereur japonais, un pionnier de l’aviation et trois bandits : notre sélection de replays
Chaque samedi, « La Matinale » vous propose un choix d’émissions à découvrir en différé.
LES CHOIX DE LA MATINALE
C’est une virée dans l’histoire du XXe siècle que nous vous proposons cette semaine avec trois documentaires à voir : l’un sur les « procès de Nuremberg » de Tokyo, en août 1945, qui épargnèrent l’empereur Hirohito, un autre sur Félix Amiot, pionnier de l’aviation et, enfin, un documentaire qui dresse le portrait de trois figures du grand banditisme corse et italien d’avant-guerre.
Et le tribunal de Tokyo préserva Hirohito
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis sont les véritables maîtres d’œuvre des procès de Nuremberg et de Tokyo. Leur obsession : permettre au droit international de s’ériger en défenseur de la paix.
Le réalisateur russe installé au Canada Tim B. Toidze n’a pas cherché à relier le procès de Nuremberg à celui Tokyo, comme pourrait le laisser entendre le titre français – le titre original est, il faut le dire, plus efficace : Judging Japan (« Juger le Japon »). Son film raconte le Japon à l’heure du procès de Tokyo, de la reddition aux Alliés, le 15 août 1945, du décollage de l’économie nippone au début des années 1950.
Le général Hideki Tojo, premier ministre du Japon de 1941 à 1944, témoigne devant le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient, le 7 janvier 1948. / ARCHIVES NATIONALES DES ETATS-UNIS
Tout en proposant un récit fiable de la période dans ce documentaire nourri d’archives américaines et japonaises, Toidze suit les pas du grand absent de ce procès : l’empereur Hirohito. Pour le général Douglas MacArthur, grand héros de la guerre du Pacifique, gouverneur militaire du Japon, juger Hirohito aurait anéanti tout espoir de démocratiser le pays. L’empereur fut ainsi transformé en une icône sainte ne portant aucune responsabilité morale à l’égard des atrocités commises par son armée.
Le documentaire conclut d’ailleurs logiquement à un gâchis, sans toutefois offrir de réflexion sur ce que le procès a apporté. Car, à l’instar du procès de Nuremberg, celui de Tokyo participa à l’effort pour l’établissement d’une justice pénale internationale. En dépit de ce bémol, ce film n’en reste pas moins passionnant. Antoine Flandrin
De Nuremberg à Tokyo, de Tim B. Toidze (Fr.-Can.-Jap., 2015, 55 min). Sur Arte + 7 jusqu’au 15 août.
Félix Amiot, entre ciel et mer
Bande-annonce // Félix Amiot, du ciel à la mer
Les multiples qualités de Félix Amiot (1897-1974) ne pouvaient l’amener qu’à la réussite. Inventeur passionné, homme d’affaires avisé, il est l’un des pionniers de l’aviation et son talent a été unaninement reconnu par ses contemporains. C’est d’ailleurs l’un des mérites du documentaire de Thierry Durand que de nous faire redécouvrir le parcours exceptionnel de cet ingénieur quelque peu oublié.
Son nom aurait d’ailleurs pu entrer dans la légende si la première traversée de l’Atlantique par l’« Amiot 123 », en 1928, ne s’était pas soldée par un échec ubuesque. L’aéronef est contraint de faire demi-tour à Terre-Neuve à cause de ce que les pilotes pensent – à tort – être une fuite d’huile, pour finalement arrimer près du Portugal, réalisant ainsi un quasi-aller-retour entre les deux continents… Une prouesse pour l’époque.
Contraint d’arrêter ses activités d’avionneur à la Libération en raison de son attitude ambiguë sous l’Occupation, Amiot se reconvertit dans la construction navale, laissant le champ libre à son rival de toujours : Serge Dassault. Le sens aiguisé des affaires de ce patron paternaliste lui permet d’ériger la Compagnie mécanique de Normandie, en fleuron de l’industrie française. Compagnie d’où sortiront les fameuses Vedettes de Cherbourg, qui firent quelques vagues diplomatiques, sans conséquence sur leur succès commercial. Rémi Lefebvre
Félix Amiot : du ciel à la mer, de Thierry Durand (Fr., 2016, 50 min). Sur Pluzz
Quand « Mémé », Antoine et Lucky partirent en guerre
Mafieux mais patriotes
Durant la seconde guerre mondiale, beaucoup de figures du grand banditisme choisirent le camp de l’occupant allemand, avec lequel les affaires étaient juteuses. Ce documentaire, mêlant images d’archives et dessins animés, s’intéresse aux frères Guérini (Antoine et Barthélemy, dit « Mémé »), trafiquants de haut vol venus de Corse à Marseille au début du XXe siècle, et qui optèrent, à l’inverse, pour le camp des futurs vainqueurs.
Autre figure centrale du film, Charles « Lucky » Luciano, mythique parrain de la mafia sicilienne aux Etats-Unis, qui négocia avec Roosevelt sa remise en liberté en échange de la transmission de renseignements utiles au débarquement allié en Sicile, en juillet 1943. Sur ses conseils, les autorités américaines nommèrent carrément des mafieux à la tête des villes et villages siciliens.
En 1936, alors que l’agitation sociale se fait de plus en plus violente, les frères se rapprochent du jeune avocat Gaston Defferre. Protégés par leur parrain politique, ils vont pouvoir développer leurs affaires. Et durant la guerre, les développer tout en entrant en résistance. Mais en 1947, Defferre lâchera ses protégés, qui se tourneront vers les Américains. Des quais de Marseille aux docks de New York, la future French Connection inondera les Etats-Unis d’héroïne. Alain Constant
Mafieux mais patriotes (1935-1945), de François Reinhardt (Fr., 2014, 65 min).