Au Festival d’Aurillac, discorde autour des mesures de sécurité
Au Festival d’Aurillac, discorde autour des mesures de sécurité
Par Clarisse Fabre (Aurillac (Cantal), envoyée spéciale)
Un appel à manifester, jeudi à 18 heures, pour protester contre le dispositif de sécurité, divise la profession.
L’heure est à la fête, mais aussi au suspense. La 32e édition du Festival international de théâtre de rue d’Aurillac avait à peine commencé, mercredi 23 août, que le soir même un groupe de personnes distribuait des tracts à des spectateurs appelant à un rassemblement, jeudi 24 août, à 18 heures, à « l’entrée ouest » de la ville, pour protester contre le dispositif de sécurité jugé excessif. En cause, le filtrage du public à l’entrée du centre-ville, pendant la durée de la manifestation, du 23 au 26 août : neuf points de contrôle ont été mis en place, avec des barrières Vauban, et l’appui d’une société de sécurité privée. « Contestons les fouilles systématiques, refusons de jouer nos spectacles enfermés derrière des grilles, restons solidaires contre les délits de faciès, ouvrons les barrières ici et là… », lit-on sur ce tract.
Ces mesures de sécurité, liées à l’état d’urgence et à la lutte anti-terroriste, ont été décidées bien avant le dernier attentat à Barcelone, le 17 août, et celui de Cambrils, le 18 août. Ces dernières semaines, l’équipe du festival, dirigé par Jean-Marie Songy, a tenté – en vain – de dissuader la mairie et la préfecture d’installer ces « checkpoint », jugés contraires à l’esprit des arts de la rue, où la liberté de déambulation et la subversion de l’espace public sont au cœur de la création. La proposition alternative de Jean-Marie Songy, qui visait à organiser une veille permanente et un déminage des lieux de spectacle, n’a pas été retenue.
Slogans humoristiques
L’an dernier, à Aurillac, un dispositif similaire de filtrage et de barriérage – de surcroît alourdi par la présence de barrières Héras, hautes et grillagées – avait suscité un affrontement urbain, le vendredi 19 août 2016, en fin de journée. Cette année, dans les autres festivals des arts de la rue, Sotteville-lès-Rouen en juin, puis Chalon-sur-Saône en juillet, il n’y a pas eu de filtrage de public.
Jointe mercredi dans la soirée, la présidente de la Fédération nationale des arts de la rue, Lucile Rimbert, a déclaré que « la Fédération ne soutient pas cet appel à manifester ». Bien que critique à l’égard du dispositif de sécurité, qu’elle avait dénoncé dès le 20 juillet dans une lettre ouverte à l’attention, notamment, du premier ministre Edouard Philippe et de la ministre de la culture Françoise Nyssen, Lucile Rimbert mise sur des actions artistiques pour exprimer le refus et la résistance. Tels ces slogans humoristiques émanant de la Fédération, entendus sur la place de l’Hôtel de Ville, mercredi 23 août, vers midi, peu avant la cérémonie d’ouverture. « Epoustouflant : les barrières de sécurité vont être retirées afin de servir de matériaux de construction pour l’habitat des migrants ». Ou encore ce faux scoop : « Les 240 000 euros alloués à la sécurité sont reversés aux compagnies ». « Nous souhaitons que cette édition du festival soit pacifique », insiste Lucile Rimbert.
Le lancement de la 32e édition du Festival international de théâtre de rue d’Aurillac, mercredi 23 août, a eu lieu sous le signe de l’amour et de l’égalité des sexualités. / VINCENT MUTEAU
« Les bienfaits de l’insécurité »
Dans la même veine, performative, la cérémonie de lancement de la 32e édition, orchestrée par Jean-Marie Songy, s’est voulue insolente. Cette édition 2017 a été rebaptisée « édition 69 », sous le signe de l’érotisme et de l’amour libre, pour barrer la route à l’ordre moral. Un artiste grimpeur, simplement vêtu d’un string de couleur chair, a escaladé la façade de l’Hôtel de Ville jusqu’à son sommet, où il a décroché et brandi le drapeau gayfriendly, multicolore. Au sol, pendant ce temps, un comédien proposait de tester « les bienfaits de l’insécurité », à travers une installation de planches en bois, sur lesquelles des artistes et des spectateurs étaient invités à déambuler, les yeux fermés.
Le maire (PS) d’Aurillac, Pierre Mathonier, a tenté de jouer le jeu, lisant son discours, impassible, tandis qu’une artiste lui déboutonnait la chemise… Attaché au Festival de théâtre de rue, et à la renommée qu’il confère à cette petite ville du Cantal, l’élu local tient aussi à caresser dans le sens du poil une partie de l’électorat qui se plaint des nuisances occasionnées par cette manifestation géante – plus de 600 compagnies présentes et entre 25 000 et 30 000 festivaliers par jour. Si Pierre Mathonier a souhaité aux festivaliers « de faire beaucoup l’amour pendant ces quatre jours », il a ajouté : « Je remercie les habitants qui sont hostiles au festival pour leur patience, bienveillance et tolérance ». Ambiance.