Lee Jae-yong, héritier de l’empire Samsung, condamné à cinq ans de prison
Lee Jae-yong, héritier de l’empire Samsung, condamné à cinq ans de prison
LE MONDE ECONOMIE
Le vice-président du chaebol sud-coréen a été reconnu coupable de corruption et de parjure. Il a été impliqué dans le scandale qui a conduit à la destitution de l’ex-présidente, Park Geun-hye.
Le vice-président de Samsung Electronics, Lee Jae-yong, le 25 août, à Séoul. / Chung Sung-Jun / AP
Lee Jae-yong a été condamné, vendredi 25 août, à cinq ans de prison. Le vice-président de Samsung Electronics, héritier de l’empire créé par son grand-père, Lee Byung-chul (1910-1987), dont l’activité équivaut à 23 % du produit intérieur brut (PIB) sud-coréen, va rester en détention. Il s’y trouve depuis sa mise en examen en février.
Début août, le tribunal chargé de ce « procès du siècle » comme il est appelé en Corée du Sud, avait requis douze ans de prison contre Lee Jae-yong, qui aurait promis ou versé 43 milliards de wons (32,3 millions d’euros) à deux fondations dirigées par Choi Soon-sil. Cette dernière est une ex-confidente de la présidente Park Geun-hye (2013-2017), à l’origine du « Choigate », un scandale qui a conduit à la destitution de Mme Park, et dont les ramifications impliquent la plupart des chaebols, les conglomérats sud-coréens. En échange, le gouvernement avait appuyé la fusion, en 2015, de Samsung C & T et de Cheil Industries. L’opération devait faciliter la succession à la tête du groupe, au profit de Lee Jae-yong.
M. Lee a admis que Samsung avait offert un cheval d’une valeur d’un milliard de wons à la fille de Mme Choi, Chung Yoo-ra, qui voulait participer à l’épreuve de dressage des Jeux olympiques de Tokyo de 2020.
Tout au long du procès, M. Lee, troisième fortune de son pays, estimée par le magazine américain Forbes à 7 milliards de dollars (5,9 milliards d’euros), s’est défendu de toute malversation, allant jusqu’à invoquer sa méconnaissance d’un groupe qu’il a pourtant rejoint en 1991 et au sein duquel il a occupé différents postes. « Je n’avais pas les connaissances ni la compétence suffisantes pour prendre des décisions », a-t-il déclaré aux juges.
Une opinion publique très critique des chaebols
La responsabilité des décisions reviendrait à Choi Gee-sung, puissant dirigeant de l’ancien Bureau de la stratégie future (FSO), qui a témoigné qu’il n’avait pas informé M. Lee des manigances avec Choi Soon-sil, « pour le protéger ».
Dissous en février, le FSO, qui réunissait quelque 200 cadres issus des quelque 60 filiales du groupe, servait de « tour de contrôle » du chaebol, et aurait assumé les activités les plus obscures du groupe. Les deux dirigeants historiques de cette institution, Choi Gee-sung et Chang Choon-ki, ont démissionné et sont également poursuivis. Dans un article du 9 août, le magazine sud-coréen Sisa-in révélait les échanges par SMS entre Chang Choon-ki et le National Intelligence Service. Le service de renseignements sud-coréen l’aurait informé en temps réel des progrès des discussions sur le projet de fusion entre Cheil et Samsung C & T.
Le verdict rendu ravit une opinion très critique des chaebols depuis le « Choigate » et qui a élu, le 9 mai, le président Moon Jae-in sur la promesse d’une moralisation des pratiques des conglomérats.
Des performances encore solides
Pour remplacer M. Lee, la promotion de sa sœur, Lee Boo-jin, qui dirige le groupe hôtelier et de distribution Shilla, a été évoquée. Mais son manque de connaissance du secteur de l’électronique la pénaliserait. Plusieurs dirigeants, comme Kwon Oh-hyun, chargé de la florissante division semi-conducteurs, Shin Jong-kyun, qui s’occupe des produits mobiles, et Yoon Boo-keun, à la tête de l’électroménager, pourraient assumer plus de responsabilités.
Les incertitudes pourraient cependant, estime Chung Sun-sup, dirigeant du site de suivi des conglomérats Chaebul.com, « ralentir le processus de décision sur des investissements massifs et audacieux qui ont fait le succès actuel du groupe ». Quand Lee Kun-hee, le père de Lee Jae-yong, s’est retrouvé, en 2008, au cœur d’un scandale de corruption, il a quitté ses fonctions, assumées, après lui, par ses fidèles.
D’autres chaebols ont connu des situations similaires sans être particulièrement affectés, comme SK, dont le président Chey Tae-won a été condamné à quatre ans de prison en 2013. Cela n’a pas nui aux activités du groupe. De même pour Hyundai, dont le président Chung Mong-koo a été condamné en 2006.
Pour l’instant, Samsung affiche des performances solides. Ses derniers résultats, annoncés le 27 juillet, montrent une progression de ses ventes de 20 %, à 61 000 milliards de wons, et de ses profits nets de 89 %, à 11 000 milliards de wons, entre avril et juin. Les ventes de la tablette Note 8, dévoilée le 23 août et qui doit faire oublier l’échec, en 2016, du Note 7, retiré de la vente en raison de dysfonctionnements, s’annoncent prometteuses.