Photo by KukZaa

Elles ne possèdent ni chambres d’hôtel, ni avions, ni trains, ni voitures mais font la loi dans l’industrie mondiale du voyage. Depuis deux décennies, des plates-formes de réservation hyper-puissantes telles qu’Expedia ou Priceline, propriétaire de Booking et de Kayak, bousculent des acteurs traditionnels qui avaient accompagné la massification du tourisme depuis les années 1950.

De plus en plus, les modèles inspirés du collaboratif « compléteront, sans les remplacer, ceux d’acteurs traditionnels, les obligeant à repenser leur offre et la façon de la commercialiser », estime Alain Dupeyras, responsable de l’unité tourisme à l’Or­ga­nisa­tion de coopération et développement économiques (OCDE).

En 2040, ce sont les « millenials » (nés entre 1980 et 1995) et la génération suivante des « Z » qui formeront en effet l’essentiel du bataillon des touristes. Ultra-connectés, ils privilégient l’économie de pair à pair, comme le montre le succès mondial d’Airbnb.

L’essor d’Airbnb

Lancée en 2008, la plate-forme se classe parmi les sites d’hébergement les plus visités, avec ses 3 millions d’appartements à louer entre particuliers. Et sa capitalisation boursière rivalise déjà avec celle de groupes hôteliers quasi centenaires : autour de 31 milliards de dollars, contre un peu plus de 38 milliards de dollars pour Marriott International, le numéro un mondial de l’hôtellerie. Une récente étude de MasterCard prévoit que la croissance annuelle de la location d’appartements entre particuliers d’ici à 2025 atteindra en moyenne 31 % par an, dans l’Union européenne, contre 4 % pour l’hôtellerie traditionnelle.

Outre la location d’appartements, Airbnb propose depuis quelques mois à ses visiteurs des « lieux » et des « expériences » telles que la récolte de truffes.

Dans le transport, le co-voiturage devrait progresser de 23 %, contre seulement 2 % pour les loueurs de véhicules traditionnels. Les nouvelles propositions inspirées de l’économie du partage se multiplieront, de l’organisation d’activité à la restauration (VizEat, qui permet de réserver un repas chez l’habitant), en passant par des formes insolites de transport (bateaux de plaisance, camping-cars) ou d’hébergement (Camp in my garden, qui diffuse les offres de plein air entre particuliers).

Airbnb rêve lui-même d’incarner à l’avenir « une expérience holistique du voyage », explique son PDG, Brian Chesky. Outre la location d’appartements, le site propose depuis quelques mois à ses visiteurs des « lieux » et des « expériences » telles que la récolte de truffes. Il doit dévoiler en 2018 son outil de réservation de vols. A la manière des groupes hôteliers, il segmente aussi son offre, avec l’arrivée d’un nouvel « Airbnb premium ». Booking développe lui aussi ses services et a enrichi son offre de locations de maisons.

Le groupe AccorHotels fournit un bon exemple de la façon dont les acteurs historiques ripostent aux ambitions de ces plates-formes. Il a créé sa propre place de marché, ouverte aux hôteliers indépendants, qui se pose en alternative à Expedia et Booking. Il marche également sur les plates-bandes d’Airbnb depuis l’achat, en 2016, de Onefinestay, spécialiste de la location entre particuliers sur le haut de gamme, et s’est renforcé dans les services en mettant la main sur le leader mondial de la conciergerie d’entreprise, John Paul.

Une forme de partenariat

« On verra de plus en plus de stratégies d’intégration à la fois verticale et horizontale telles que celle-ci, afin de réintégrer la valeur ajoutée sur l’ensemble de la chaîne », juge Arnaud Thibésart, associé spécialiste du secteur de l’hôtellerie chez PwC France.

Faut-il y voir l’esquisse d’une convergence des modèles économiques entre les nouveaux entrants et les opérateurs traditionnels ou une bataille fratricide ? Une forme de partenariat existe déjà. Car les pratiques des grandes plates-formes ont beau être décriées par de nombreux hôteliers, ceux-ci tirent une grosse partie de leurs ventes de canaux de distribution tels que Booking ou Expedia et, de plus en plus, Airbnb.

Pour Jean-Luc Bogros, associé de la start-up W-Inn qui travaille sur de nouveaux modèles dans le tourisme, « l’interopérabilité et la transparence des acteurs seront de plus en plus grandes, car c’est ce que souhaite le consommateur, et il comprendra encore moins dans quinze ans qu’aujourd’hui que les opérateurs du tourisme ne l’accompagnent pas dans ses expériences personnalisées ».

Cet article fait partie d’un dossier réalisé en partenariat avec PPP Agency, organisateur des Entretiens de Vixouze (Forum international du tourisme du futur).