Entre le 7 et le 13 août, les ventes d’œufs dans les hypers et supermarchés français ont reculé de 8,7 %. / PHILIPPE HUGUEN / AFP

Dans cette affaire d’œufs contaminés où les zones d’ombre sont nombreuses, la Commission européenne a apporté un éclairage jeudi 31 août. Bruxelles a reconnu que la fraude au fipronil, un insecticide dont l’usage est interdit en Europe sur les animaux destinés à la chaîne alimentaire, avait débuté en septembre 2016. Elle a estimé que, désormais, 34 pays étaient touchés, dont 22 membres de l’Union européenne.

S’exprimant devant le Parlement européen, Sabine Jülicher, directrice de la direction générale Sécurité sanitaire de la Commission européenne, a affirmé, selon des propos cités par l’AFP : « Nous disposons désormais d’indications que cet usage illégal du fipronil avait déjà lieu en 2016. » « Ceci a commencé, selon ce que l’on sait, en septembre 2016 », a-t-elle ajouté précisant que cette estimation se fondait sur des échantillons historiques conservés par des entreprises.

Au cœur du scandale qui secoue la filière agroalimentaire européenne se trouve la société néerlandaise ChickFriend, qui a mélangé le fipronil mais aussi d’autres substances dont certaines interdites pour concevoir un produit qualifié de naturel et destiné à lutter contre les poux rouges, commercialisé sous le nom de Dega-16. Egalement dans le collimateur, l’entreprise belge Poultry-Vision distributeur de produits pour les élevages et qui a vendu le fameux Dega-16. Près de 6 000 litres de produits interdits auraient été retrouvés dans ses locaux.

Une enquête a été ouverte en Hollande, mais aussi en Belgique, après une mise en cause de ces entreprises par des éleveurs belges. Les deux dirigeants de ChickFriend sont sous les verrous. Une cour de justice hollandaise a prolongé, fin août, leur mise en détention pour une durée d’un mois.

Consommateur refroidi

C’est le 20 juillet que la Belgique a tiré le signal d’alarme au niveau européen par le biais du RASFF, un réseau d’alerte sur les denrées alimentaires chargé d’informer la Commission européenne, les Etats membres et les pays tiers. Selon Bruxelles, la fraude a surtout touché les Pays-Bas – où 258 élevages ont été bloqués par les autorités –, et la Belgique – où le nombre d’élevages concernés s’élève à 93. L’Italie est aussi concernée avec 10 élevages, de même que l’Allemagne (7), la Hongrie (2), sans oublier la France où un élevage du Pas-de-Calais a fait usage du Dega-16. La vente des lots d’œufs contaminés s’étend quant à elle à 34 pays. Les pays non européens cités par Bruxelles sont Hongkong, le Liban, le Qatar, l’Arabie Saoudite, le Liberia, la Russie, l’Afrique du Sud, l’Angola et l’Irak.

Le 7 août, le ministère de l’agriculture a reconnu que des lots d’œufs contaminés au fipronil avaient été livrés en France et a saisi pour avis l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). L’agence a estimé que, « compte tenu des concentrations de fipronil observées à ce jour dans les produits contaminés ; et considérant la caractérisation des dangers de cette substance, le risque de survenue d’effets sanitaires apparaît très faible ». Elle a précisé que la valeur seuil était atteinte en cas de consommation d’une dizaine d’œufs contaminés pour un adulte par jour, mais d’un seul œuf consommé quotidiennement pour un enfant de moins de trois ans. L’Organisation mondiale de la santé, elle, classe le fipronil comme étant moyennement toxique pour les humains.

Les œufs de poules élevées en cage ont souffert le plus avec un plongeon des ventes de 16,5 % sur cette période.

L’annonce de ce scandale alimentaire semble toutefois avoir quelque peu refroidi le consommateur. Selon le panéliste IRI qui épluche les tickets de caisse, entre le 7 et le 13 août, les ventes d’œufs dans les hypers et supermarchés français ont reculé de 8,7 %. La chute en volume se chiffre à 10 %. Les œufs de poules élevées en cage ont souffert le plus avec un plongeon des ventes de 16,5 % sur cette période.

32 produits retirés de la vente

Le ministère de l’agriculture a également publié sur son site Internet une liste des produits dont le contrôle a révélé des taux de fipronil supérieurs à la normale. Des gaufres, des muffins, des brownies, des pâtes, des pommes dauphines…. élaborés avec des ovoproduits contaminés et fabriqués en Hollande, en Belgique mais aussi en France. La dernière mise à jour date du 24 août et recueille les noms de 32 produits retirés de la vente. Essentiellement des produits vendus sous marque distributeur, comme Marque Repère de Leclerc, Franprix, Super U, Leader Price, Carrefour mais aussi quelques marques comme Lotus.

Vendredi 25 août, le ministère de l’agriculture reconnaissait la présence d’un deuxième insecticide interdit, l’amitraze, dont il affirmait ne pas avoir été informé de la présence. La Commission a affirmé que la Belgique avait mentionné que le Dega-16 pouvait contenir cette substance non autorisée dans les élevages de poule, lors de son alerte du 20 juillet. Elle confirme ainsi une information donnée par l’ONG Foodwatch. Cette association a envoyé, mardi 29 août, un courrier pour interpeller le gouvernement et demander « une transparence totale sur les informations liées aux fraudes alimentaires ».

En France, une dizaine d’élevages auraient utilisé de l’amitraze dans deux départements dont les noms n’ont pas été rendus publics par les autorités. L’insecticide aurait été utilisé non sur les animaux mais pour désinfecter les locaux lors des vides sanitaires. Le gouvernement a annoncé qu’il allait faire des tests pour détecter une éventuelle présence de l’amitraze dans les œufs ou les poulets, et il a saisi l’Anses pour avis. Les résultats n’ont pas encore été publiés.