L’Australie lance une enquête postale sur le mariage pour tous
L’Australie lance une enquête postale sur le mariage pour tous
Par Isabelle Dellerba (Sydney, correspondance)
Dès cette semaine, 16 millions d’électeurs sont appelés à répondre à cette enquête. Le premier ministre conservateur milite, comme l’opposition, pour le oui.
Lors d’une manifestation pour le mariage homosexuel, à Sydney, le 10 septembre. / STEVEN SAPHORE / REUTERS
Dans un défilé sautillant au rythme des grands tubes de la culture club, des milliers de partisans du oui battent le pavé, dimanche 10 septembre à Sydney. Ils n’envisagent pas de passer à côté d’une chance historique de mettre fin au statu quo. Après plus d’une décennie d’impasse, le gouvernement conservateur du premier ministre Malcolm Turnbull vient de lancer un mécanisme inédit à l’issue duquel l’Australie pourrait finalement autoriser le mariage pour tous.
Dès cette semaine, 16 millions d’électeurs sont appelés à répondre à une enquête par voie postale. Si une majorité d’entre eux se déclarent favorables à l’amendement de la loi définissant le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme, un vote sera organisé au Parlement. Dans le cas contraire, l’exécutif considérera que le sujet est clos. Le résultat de cette consultation, qui doit s’étaler sur près de deux mois, s’annonce incertain.
Si, depuis plusieurs années, toutes les enquêtes d’opinion donnent une large majorité de la population – entre 58 % et 70 % des personnes interrogées – en faveur du mariage homosexuel, le sondage postal des autorités, sur la base du volontariat, ne sera pas statistiquement représentatif. « Répondre par courrier est une méthode qui semble aujourd’hui quasi antique, explique Alex Oliver, directrice du programme des sondages au Lowy Institute. Il y a de fortes chances que les jeunes, peu adeptes de ce mode de communication, soient sous-représentés. » Or ils sont massivement favorables à la modification de la loi.
« Les élus n’ont pas fait leur job »
Les convaincre de prendre un stylo pour s’exprimer est l’un des principaux objectifs des défenseurs des droits des homosexuels, qui prévoient déjà, entre autres actions, d’organiser des déplacements groupés vers les bureaux de poste. Signe encourageant pour le camp du oui, près de 100 000 personnes se sont inscrites sur les listes électorales en août, mais, dans un pays où le vote est le plus souvent obligatoire, l’abstention s’annonce forte. « Les élus n’ont pas fait leur job et maintenant, c’est à nous de nous remonter les manches », lâche Alex Greenwich, porte-parole du groupe Australian Marriage Equality.
Les partisans du mariage pour tous, comme le Parti travailliste et les Verts, appelaient à ce que la question soit tranchée lors d’un vote direct et libre de consignes politiques au Parlement. Mais la coalition au pouvoir, divisée sur le sujet, a préféré s’en remettre au peuple en promettant un référendum. Dénonçant une « manœuvre » coûteuse, clivante et surtout inutile dès lors que les parlementaires voteraient ensuite en leur âme et conscience, l’opposition a rejeté le projet par deux fois au Sénat – où le gouvernement ne dispose pas de la majorité. C’est alors que des députés parmi les plus conservateurs ont eu l’idée de cette procédure inhabituelle : une enquête postale, non contraignante, et chère – 122 millions de dollars australiens (82 millions d’euros). Deux associations pro-mariage homosexuel ont tenté de l’empêcher en déposant des recours devant la Haute Cour, sans succès. Les lettres commenceront à être expédiées lundi.
« L’école a dit à mon fils... »
« Seuls les Australiens peuvent décider d’un changement concernant l’institution du mariage », se félicite David Van Gend, l’un des porte-parole de Coalition for Marriage, une organisation hétéroclite, emmenée par des groupes chrétiens, qui défend le mariage traditionnel. Fin août, elle a produit un clip de campagne dans lequel trois femmes expliquent pourquoi elles s’opposent à la réforme. « L’école a dit à mon fils qu’il pourrait porter une robe l’année prochaine s’il le souhaite », déclare l’une d’elles. Accusé de mensonges, le camp du non se dit victime de pressions et met en garde contre les atteintes à la liberté d’expression et religieuse. Il est soutenu par l’ancien premier ministre, le très catholique Tony Abbott, qui appelle à voter contre le « politiquement correct ».
L’actuel chef de l’exécutif, Malcolm Turnbull, également membre du Parti libéral mais de son aile progressiste, milite quant à lui, comme l’opposition, pour le oui, et se dit confiant qu’en cas de victoire, les députés se prononceront eux aussi pour un amendement de la loi avant Noël. Les résultats de l’enquête postale sont attendus le 15 novembre.