« FIFA » contre « PES » : il n’y a plus match d’un point de vue commercial
« FIFA » contre « PES » : il n’y a plus match d’un point de vue commercial
Par William Audureau
Forces de production, ventes, fans sur les réseaux sociaux… La simulation de football d’Electronic Arts écrase désormais sa concurrente, révèle l’étude des chiffres.
C’est le marronnier de la presse jeu vidéo : chaque mois de septembre depuis près de vingt-cinq ans, les comparatifs entre les deux plus célèbres simulations de football s’accumulent. Ce devrait être encore le cas cette année, avec la sortie de Pro Evolution Soccer 2018 (PES) jeudi 14 septembre, et son concurrent FIFA 18, dont la démo est disponible depuis mardi 12, et qui sortira en version complète le 26.
Cela fait pourtant plusieurs années que les deux titres ne jouent plus dans la même catégorie. La série PES, produit culturel le plus vendu en France au milieu des années 2000, s’est effondrée commercialement en dix ans, laissant aujourd’hui toute la place à FIFA.
Selon des sources dans l’industrie, à juin 2017, Pro Evolution Soccer 2017 s’était écoulé à 100 000 exemplaires en France, toutes versions confondues, contre près de 1,6 million pour FIFA 17. Soit un terrible ratio de 1 à 15… Cela fait désormais trois années successives que la série FIFA caracole en tête des jeux vidéo les plus vendus en France, tandis que son rival historique n’apparaît même plus dans le top 20.
Les ventes de « FIFA 17 » et « PES 2017 » sur leurs dix premiers mois. / Le Monde
Au niveau mondial, la comparaison est rendue difficile par la communication opaque de Konami. L’éditeur japonais de Pro Evolution Soccer ne donne plus de chiffres de ventes pour son ancienne série phare. La dernière fois qu’il l’a fait, c’était en février 2014, pour reconnaître une baisse de 1,2 million de ventes de ses jeux de football, soit 32,6 % par rapport à l’année précédente. Ceux-ci étaient déjà sur le recul depuis quatre années d’affilée.
Du 1er avril au 31 décembre 2013, Konami en avait alors écoulé 3,72 millions dans le monde, toutes versions confondues. Cette même année, le seul FIFA 14 s’écoulait à 1 million d’exemplaires en quatre mois… sur le seul territoire français. Autre indice : au Royaume-Uni, en 2016, sur leur semaine de lancement, FIFA 17 s’est vendu 40 fois mieux que son homologue PES 2017.
Dans le détail, difficile de comparer l’évolution des ventes des deux séries, l’industrie du jeu vidéo étant avare de chiffres, a fortiori quand il s’agit de documenter le déclin commercial de l’un d’entre eux. Les rapports annuels du SELL, le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, permettent toutefois grâce à leur top 20 de connaître les performances précises de FIFA en France, hors dématérialisé : il s’agit même du titre le plus vendu depuis trois ans. Mais par recoupement, il permet également de déduire les ventes maximales possibles de PES, à partir de celles de la vingtième place, en dessous de laquelle il se situe désormais chaque année.
Enorme différence de budget
En termes de popularité sur les réseaux sociaux, l’écart est tout aussi prononcé. A part sur Facebook, où une importante communauté issue des régions hispanique et arabophone continue de suivre PES, la simulation de Konami est fantomatique, comparée à celle d’Electronic Arts.
S’agit-il de la cause ou de la conséquence ? Il y a désormais un monde de différence entre FIFA et PES en termes de budget. Cela se reflète notamment dans les effectifs de production respectifs des deux séries. Jusqu’en 2008, année charnière dans leur bras de fer, FIFA 09 et Pro Evolution Soccer 2009 s’appuyaient sur des équipes comparables : 415 personnes avaient travaillé sur le premier, contre 393 sur le second.
Ce temps est révolu, et l’écart a désormais quintuplé. Selon les ressources du site Mobygames, site collaboratif sur les équipes de production des jeux vidéo, en 2016, les effectifs totaux de FIFA 17 étaient 5,5 plus grands que celle de PES 2017, salariés, sous-traitants et fans bénévoles compris. La différence de qualité entre les deux jeux ne saute pourtant pas aux yeux. Ces ressources en plus sont surtout allouées aux modes additionnels dont dispose FIFA, et notamment d’un très ambitieux mode scénarisé.
Certains estimeront que Konami paye son manque de moyens, face à un rival qui s’est montré beaucoup plus ambitieux et abouti techniquement depuis le passage à la haute définition. D’autres observeront que c’est au prix d’une cure de rationalisation de ses coûts que PES peut continuer à sortir chaque année.
A défaut de concurrencer FIFA en modes de jeu et en réalisme physique, il réussit encore à se démarquer par son jeu de passe dynamique, ses partenariats de prestige et ses innombrables licences et commentateurs, notamment sud-américains.