Le Parlement philippin menace la commission des droits de l’homme et la Cour suprême
Le Parlement philippin menace la commission des droits de l’homme et la Cour suprême
Le Monde.fr avec AFP
Rodrigo Duterte a été élu en 2016 sur la promesse d’éradiquer le trafic de drogue et ses consommateurs, mais la campagne massive de meurtres étatiques se heurte aux garde-fous institutionnels.
M. Duterte a dit qu’il serait « heureux de massacrer » 3 millions de toxicomanes, promettant aux policiers impliqués qu’ils n’iraient pas en prison. / POOL / REUTERS
La Chambre des représentants philippins a décidé de s’en prendre à deux institutions qui critiquent la « guerre » menée par le président Duterte contre la drogue. Celle-ci se traduit par la mort de milliers de personnes et les défenseurs des droits jugent qu’il s’agit peut-être d’un crime contre l’humanité.
En deuxième lecture dans le projet de budget 2018 voté mardi soir la chambre a décidé de ramener les fonds alloués à la commission des droits de l’homme à 1 000 pesos (16 euros).
M. Duterte a lié cette décision à l’enquête menée par la commission des droits de l’homme sur les morts de la guerre antidrogue et les critiques émises sur le sujet par son président, Jose Gascon. « Il n’a que ce qu’il mérite, a-t-il lancé à la presse. Ils lui ont donné 1 000 pesos seulement parce que le Congrès est en colère. » Cette commission est l’un des organes indépendants prévus par la Constitution pour surveiller le travail de l’exécutif, qui a lui la mainmise sur la police et les forces armées.
Les alliés du président à la commission de la justice de la chambre basse ont également voté en faveur de la destitution de Maria Lourdes Sereno, la présidente de la Cour suprême – un autre garde-fou constitutionnel –, jugeant que des accusations de corruption portées contre elle n’étaient pas sans fondement.
Mme Sereno s’est également montrée critique envers la campagne de meurtres étatiques. L’année dernière, elle avait écrit au président pour s’inquiéter du fait qu’il avait publiquement accusé sept juges, désignés nommément, d’être mêlés au trafic de drogue.
Le Sénat doit avaliser ces votes
Si la Chambre des représentants votait la motion de la commission de la justice en assemblée plénière, le Sénat aurait alors à se réunir pour examiner la destitution de Mme Sereno. De même, le Sénat doit encore voter la décision sur le budget des droits de l’homme.
La chambre haute est également dominée par les alliés du président mais elle s’est montrée plus indépendante que la chambre basse, et pourrait prendre le contre-pied des deux votes.
Rodrigo Duterte a été élu dans un fauteuil en 2016 sur la promesse d’éradiquer le trafic de drogue en faisant abattre des dizaines de milliers de délinquants. La police a annoncé avoir abattu 3 800 toxicomanes ou trafiquants présumés. Des milliers d’autres personnes ont été tuées dans des circonstances inexpliquées.
Une fois à la présidence, M. Duterte a dit qu’il serait « heureux de massacrer » 3 millions de toxicomanes, promettant aux policiers impliqués qu’ils n’iraient pas en prison. Les sondages montrent que la plupart des Philippins continuent de soutenir cette politique.
Mais l’Eglise catholique, très influente dans l’archipel, a pris la tête d’une campagne de résistance de plus en plus audible, avec des manifestations appelant à l’arrêt des meurtres.