TV : « Logement, à qui profite la crise ? »
TV : « Logement, à qui profite la crise ? »
Par Joël Morio
Notre choix du soir. Avidité des promoteurs, laxisme des villes et de l'Etat... une enquête souligne les dysfonctionnements du secteur (sur France 5 à 20 h 55).
C’est un constat bien sombre que dresse Jean-Christophe Portes sur le logement en France. En 2012, le candidat François Hollande promettait de le rendre plus accessible et moins cher. Pourtant, aujourd’hui, douze millions de Français vivraient dans un logement inadapté, trop petit, délabré ou trop cher. Pire, quatre millions de personnes se trouveraient dans une situation précaire. Le documentaire montre néanmoins que les différents gouvernements de la présidence Hollande ne seraient pas restés inactifs, mais qu’ils se seraient heurtés aux lobbys du secteur immobilier.
En faisant adopter en 2014 la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi Alur », la ministre du logement de l’époque, Cécile Duflot, espérait limiter la hausse des loyers, qui a progressé de 60 % ces seize dernières années. Cependant, ce texte est encore peu ou mal appliqué.
Le film s’attarde sur la situation de deux couples parisiens. L’un est à la recherche d’un deux-pièces à Paris, mais la plupart des appartements qu’il visite ont des loyers qui dépassent largement les plafonds fixés par la loi. L’autre habite un studio loué bien trop cher et tente de le faire baisser. En fait, alors que près de 400 communes devraient bénéficier à terme de ce système d’encadrement, les moyens de le faire respecter restent limités.
Les loyers ont augmenté de 60% en seize ans / © Dream Way
Le documentaire dénonce également le mécanisme qui autorise certains particuliers à investir dans un logement moyennant un avantage fiscal.
La nouvelle loi Pinel devait permettre la construction d’appartements à loyers modérés pour les ménages aux revenus modestes. Or, dans deux tiers des grandes villes, ils atteignent – voire dépassent – les prix du marché et profitent aux plus favorisés. D’autres immeubles ont été édifiés dans des zones où la demande est faible. Résultat : ils demeurent sans locataire pendant plusieurs années.
L’enquête se fait aussi l’écho d’un paradoxe : alors que près d’un demi-million de Franciliens sont en attente d’un logement social, plus de 77 000 logements HLM resteraient vides au bout de trois mois. Autre constat : à Paris, 10 % des appartements qui devraient être réservés aux plus modestes sont, dans les faits, occupés par des ménages aisés.
Constat d’impuissance
Jean-Christophe Portes donne largement la parole aux anciennes ministres du logement de gauche Cécile Duflot (2012-2014) et Emmanuelle Cosse (2016-2017). Toutes deux témoignent de leur impuissance face à l’avidité des promoteurs immobiliers, au laxisme des municipalités, à l’absence de courage de l’Etat.
En revanche, à l’exception d’un représentant de Century 21, le premier réseau d’agences immobilières en France, le documentaire, présenté dans le cadre du magazine « Le Monde en face », animé par Marina Carrère d’Encausse, laisse peu de place aux professionnels du secteur pour apporter leur point de vue. Un débat suit ce documentaire, avec notamment Jean-Yves Mano, président de l’association CLCV (Consommation, logement et cadre de vie), Pierre Madec, économiste, et Pascal Boulanger, vice-président de la Fédération des promoteurs immobiliers de France.
Logement, à qui profite la crise ?, de Jean-Christophe Portes, avec la collaboration de Victoria Kopiloff (Fr., 2017, 60 min).