Le transport ferroviaire, branche malade de la SNCF
Le transport ferroviaire, branche malade de la SNCF
LE MONDE ECONOMIE
La Cour des comptes a alerté cet été le gouvernement sur la situation préoccupante de Fret SNCF.
Dette galopante, activité et part de marché en recul, compétitivité en berne… La Cour des comptes dresse un sombre tableau de l’état de Fret SNCF, la branche transport ferroviaire de la Société nationale des chemins de fer, dans une lettre adressée au gouvernement le 3 juillet et qu’elle a rendu publique jeudi 14 septembre.
« La situation de Fret SNCF n’assure pas aujourd’hui sa viabilité économique », résume l’organisme de contrôle des comptes publics. L’activité fret de la SNCF, la seule à être confrontée à la concurrence, et ce depuis 2006, a connu une contraction spectaculaire en une dizaine d’années (150 000 wagons chargés en 2014 contre 700 000 en 2005), une suite de pertes financières (314 millions d’euros en 2016, soit un quart du chiffre d’affaires), conduisant à un emballement de l’endettement, qui est passé de 1,8 milliard d’euros en 2008 à 4 milliards en 2014, soit la moitié de la dette de SNCF Mobilités.
« Cette persistance d’un résultat net négatif dans les comptes de Fret SNCF est (...) liée à l’aggravation de son endettement, souligne la Cour des comptes. Le plan stratégique de Fret SNCF prévoit une aggravation de la dette nette, qui passerait de 4 milliards d’euros en 2015 à 5,1 milliards en 2020. »
« Efforts d’adaptation et de réorganisation »
La Cour des comptes ne tient pas le groupe public pour le premier responsable de cette situation « préoccupante » et félicite même ses dirigeants de « l’importance des efforts d’adaptation et de réorganisation qu’a consentis (...) l’entreprise », pour faire face à la nouvelle donne de la concurrence : plan de rétablissement de la ponctualité, rationalisation de la gestion du matériel, réduction par deux du nombre d’agents (7 400 personnes en 2015, contre 14 900 en 2008).
Pour les magistrats de la rue Cambon, les responsables sont ailleurs…
« La situation de Fret SNCF illustre les limites de l’efficacité de la politique menée par l’Etat en faveur du transport ferroviaire de marchandises, laquelle n’est d’ailleurs pas exempte de certaines contradictions, cingle la Cour des comptes. Tout en affichant en permanence sa volonté de soutenir le fret ferroviaire, l’Etat a, ces dernières années, pris d’importantes initiatives qui, de fait, lui sont défavorables : décret portant à 44 tonnes la limite du poids total autorisé en charge des poids lourds, abandon de l’écotaxe, renoncement à (...) l’élaboration du nouveau cadre social applicable à cette activité. »
Sur ce dernier point, le rapport note que « le coût et le régime de travail des personnels de la SNCF continuent de peser sur sa rentabilité ». La masse salariale de Fret SNCF n’a pas suivi la même pente que celle de ses effectifs. La rémunération brute moyenne par agent a augmenté de 2,8 % par an entre 2008 et 2014. L’institution relève aussi que l’absentéisme chez Fret SNCF est deux fois plus important que chez VFLI, sa filiale de fret ferroviaire de droit privé (12,8 jours par an contre 6,6).
Contacté par Le Monde, le ministère des transports, qui n’avait jusqu’ici pas répondu formellement à l’interpellation de la Cour, a indiqué que, « pleinement conscient des difficultés de la filière, le gouvernement souhaite mener cet automne une réflexion globale pour le fret ferroviaire, et pourra s’appuyer utilement sur ce travail de la Cour des comptes ».