Référendum en Catalogne : « Une solution politique est envisageable »
Référendum en Catalogne : « Une solution politique est envisageable »
Le politologue Gabriel Colomé a répondu à vos questions sur les suites politiques du vote du 1er octobre sur l’indépendance.
Deux jours après le référendum sur l’indépendance, qui a vu le oui l’emporter avec 90 % des voix, la situation reste tendue en Catalogne. Gabriel Colomé, professeur en sciences politiques à l’université autonome de Barcelone, a répondu à vos questions sur les suites politiques du vote du 1er octobre.
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35 : S’agit-il vraiment d’une grève générale ? Professeur dans un lycée public catalan, je voulais pouvoir aller travailler aujourd’hui, car je suis contre la manipulation du gouvernement catalan, mais mon centre a fermé, comme la grande majorité. On nous a donné un jour férié rémunéré, nous obligeant à suivre cette « aturada de païs » (grève de pays). Le département d’éducation de la Generalitat [l’organisation politique de la communauté autonome de Catalogne] a « recommandé » aux directeurs de centre de fermer leurs portes, ce qu’ils ont fait…
L’âne Martin : Les Mossos d’Esquadra sont-ils eux aussi en grève ?
Gabriel Colomé : C’est en effet une grève politique, une démonstration de force contre le gouvernement espagnol pour montrer que la Generalitat peut bloquer l’économie catalane et avoir un impact négatif sur l’économie espagnole et européenne. Cette grève a été convoquée par un syndicat minoritaire, anarchiste, avec le soutien du gouvernement régional. Celui-ci prend comme motif les violences policières de dimanche. Mais celle-ci a été convoquée dès vendredi 30 septembre… Elle faisait donc partie, en fait, de son plan pour favoriser le processus d’indépendance.
En principe, la police catalane, les Mossos d’Esquadra, devrait travailler. Ce n’est pas évident.
Nicolas : Si la Catalogne obtenait son indépendance, serait-elle automatiquement exclue de l’Union européenne ?
Selon le traité de l’Union, oui. Mais les indépendantistes pensent que, du fait de son poids économique, le traité ne s’appliquera pas à la nouvelle République de Catalogne.
Franceline : Le président catalan a-t-il pris position pour l’intégration d’une Catalogne indépendante au sein de l’Union européenne ?
Oui. C’est la clé de voûte de son discours : une Catalogne indépendante dans l’Union. Les sondages sont très explicites à ce sujet. Dans le scénario où l’éventuelle future Catalogne ne ferait pas partie intégrante de l’UE, l’adhésion à l’indépendance chuterait de moitié, de 41 % à 20 %.
Tinnat : Quel est le scénario le plus probable dans les prochains jours ou mois ?
On pourrait le résumer, en plusieurs étapes :
1) Proclamation de la République catalane ;
2) Réaction du gouvernement ;
3) La république appelle à la médiation internationale ;
4) Réaction du gouvernement ;
5) Problème : la proclamation unilatérale d’indépendance (DUI) va faire perdre toute sympathie pour les indépendantistes, car l’Union européenne se positionnera du côté du gouvernement espagnol.
Loris : Quelles sont les options possibles pour le gouvernement espagnol ?
Julien : A la suite de ce référendum, qualifié d’illégal, que risquent le président de la Catalogne et les autres individus (politiques notamment) impliqués dans la mise en place du vote et de son résultat ?
L’article 155 de la Constitution prévoit la suspension du gouvernement et du parlement régional pendant six à douze mois. La Cour constitutionnelle peut aussi destituer le président Puigdemont de ses fonctions. En outre, c’est un acte de sédition, qui peut entraîner une peine de huit à quinze ans d’emprisonnement. Problème : Puigdemont ne reconnaît pas l’autorité de l’Etat espagnol. Les indépendantistes se sont engouffrés dans une voie insurrectionnelle.
Stéphanie : Pensez-vous qu’une solution politique est encore envisageable quand les divisions semblent se creuser de jour en jour ? Et quels moyens a l’UE pour intervenir ?
Oui, une solution politique est envisageable. Dans les prochains mois, l’unique possibilité est d’entamer la réforme de la Constitution. Celle-ci va fêter ses quarante ans en 2018. Beaucoup de choses ont évolué depuis 1978. La Constitution du XXIe siècle pourrait être plus fédérale, plus moderne. Il faudrait retrouver le consensus perdu entre les différents territoires et faire en sorte que les néo-indépendantistes rejoignent la cause commune nationale, sachant que la Catalogne comptera 25 % d’indépendantistes « durs ».
JSA : Où est le roi d’Espagne dans toute cette affaire ? Il est muet. Ne devrait-il pas avoir un rôle primordial à jouer ?
Non. Le roi, selon la Constitution, ne peut pas intervenir sur les sujets politiques. C’est le chef de l’Etat, mais il doit rester muet.