La sélection cinéma du « Monde »
La sélection cinéma du « Monde »
Chaque mercredi, dans « La Matinale », les critiques du « Monde » présentent les meilleurs films à découvrir sur grand écran.
LES CHOIX DE LA MATINALE
Au programme cette semaine, des humains et des robots, des humains et des animaux, des humains entre eux, et Jean-Luc Godard qui décortique la mécanique du cinéma.
ÉLÉGIE POUR UN MONDE DÉFUNT : « Blade Runner 2049 »
BLADE RUNNER 2049 - Official Trailer
Durée : 02:22
Nous sommes aujourd’hui à la veille des temps annoncés par le Blade Runner, de Ridley Scott. Les voitures ne volent pas, les planètes avoisinantes restent vierges de mines exploitées par des androïdes. Mais la frontière entre l’humain et l’inhumain s’est faite poreuse ; nous surveillons nos stations de travail, nos réfrigérateurs et nos téléphones avec inquiétude, en attendant le moment qui les verra prendre définitivement le contrôle de nos vies.
Réalisé en 1981, situé en 2019, Blade Runner voyait loin, mais pas toujours juste, comme toutes les grandes œuvres d’anticipation. Plutôt que de se risquer à faire le point sur les zones de flou du film de Scott, les scénaristes de Blade Runner 2049, Hampton Fancher (qui avait déjà travaillé sur le premier épisode) et Michael Green, ont fait – comme l’indique le titre – un saut en avant de trente ans.
Denis Villeneuve, qui venait de gagner ses galons de cinéaste de science-fiction avec Arrival, s’en est emparé et a produit un film cauchemardesque et magnifique, immersion toxique et exquise dans un univers qui distille les résultats cataclysmiques de tous les choix malheureux de l’humanité. Thomas Sotinel
Film américain de Denis Villeneuve, avec Ryan Gosling, Harrison Ford, Ana de Armas, Robin Wright, Hiam Abbas, Jared Leto (2 h 43).
UNE FABLE NORMANDE ENTRE HUMANITÉ ET ANIMALITÉ: « Va Toto »
Va, Toto ! Bande annonce 2017
Durée : 01:34
Dans la règle générale du cinéma français, Pierre Creton a tout du « cas particulier ». Formé aux Beaux-Arts du Havre, devenu par la suite ouvrier agricole, l’homme pratique un cinéma terrien et intellectuellement exigeant, entrelacé à son métier et à sa vie quotidienne, dans son fief du pays de Caux, en Normandie, à distance raisonnable de Paris et du milieu du cinéma. le dernier de ses longs-métrages examine les rapports entre humains et animaux, à travers trois cas prélevés dans l’entourage du cinéaste paysan.
Ce que le film dessine n’est autre que cette « humanimalité » dont parle l’écrivain Michel Surya, cité par Creton. L’animal est-il le rêve de l’homme ou l’homme le rêve de l’animal ? Va, Toto ! ne saurait conclure mais nous associe à cette rêverie réciproque, comme pour nous rappeler le lien charnel et désirant qui nous unit à l’ensemble du vivant. Un vivant dont chacun de nous n’est jamais, en définitive, que l’une des nombreuses zones érogènes. Mathieu Macheret
Film-essai de Pierre Creton. Avec les voix de Françoise Lebrun, Jean-François Stévenin, Rufus, Grégory Gadebois, Evelyne Didi (1 h 34).
DU MARIAGE CONSIDÉRÉ COMME UN DES BEAUX-ARTS : « Le Sens de la fête »
LE SENS DE LA FÊTE Bande Annonce (TEASER // 2017)
Durée : 02:11
En quelques heures, confiné dans les allées et entre les murs d’une demeure aristocratique des environs de Paris, Max (Jean-Pierre Bacri, qui porte ici à l’épure sa faculté de faire passer la lumière à travers la noirceur des humeurs et du quotidien) doit donner à ses clients, un fat et une évaporée, l’illusion que cette journée est la plus belle de leur vie.
Si les auteurs d’Intouchables maîtrisent si bien leur sujet, c’est que leur personnage principal est un cousin. L’organisateur de mariage ressemble à un metteur en scène, qui doit faire travailler ensemble des rivaux et des gens qui n’ont rien à se dire, qui n’ont en commun que la fête qu’ils doivent réussir, alors qu’elle menace toujours de virer à la catastrophe. T.S.
Film français d’Olivier Nakache et Eric Toledano, avec Jean-Pierre Bacri, Jean-Paul Rouve, Gilles Lellouche, Eye Haïdara, Suzanne Clément (1 h 57).
QUAND GODARD FILMAIT LE CINÉMA À LA TÉLÉ : « Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma »
GRANDEUR ET DÉCADENCE D’UN PETIT COMMERCE DE CINÉMA Bande Annonce (Film inédit de Jean-Luc Godard)
Durée : 01:19
Distribué pour la première fois en salle, Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma fut réalisé pour TF1 en 1986, dans le cadre d’un hommage à la collection « Série noire ». Grandeur et décadence… nous plonge dans l’activité de la société de production Albatros, petite ruche où s’organise le casting d’un long-métrage, tandis que le patron, Jean Almereyda, se débat avec des créanciers douteux.
Tourné dans les locaux de JLG Films, la société de production de Jean-Luc Godard, avec des acteurs choisis parmi les techniciens qui restent généralement derrière la caméra, et aussi des « chômeurs de l’ANPE », le film met à nu la mécanique du cinéma, la tambouille prosaïque qui préside à cette alliance ambiguë de l’art et de l’industrie, pour en chanter, avec les outils de la télévision, une forme d’oraison funèbre dans une forme ludique, pop et inventive. Isabelle Regnier
Film français de Jean-Luc Godard (1986). Avec Jean-Pierre Léaud, Jean-Pierre Mocky, Marie Valera (1 h 32).