La culture new yorkaise en panne de milliardaires
La culture new yorkaise en panne de milliardaires
Par Arnaud Leparmentier (New York, correspondant)
Le milliardaire David Geffen dénonce l’annulation de la rénovation de la salle de l’orchestre philharmonique de New York.
David Geffen a dénoncé le manque de soutien financier pour le Concert Hall de New York. / Jason DeCrow / AP
Rien ne va plus à New York, où les milliardaires ne se donnent même plus la peine d’être philanthropes. C’est en tout cas le sentiment du magnat des médias David Geffen, qui s’emporte contre l’annulation de la rénovation de la salle de l’orchestre philharmonique de New York dans le Lincoln Center à Manhattan. « Cette ville a tant de personnes riches qui ont fait fortune et ils n’ont pas pu se manifester pour soutenir l’institution culturelle la plus importante de New York. Je pense que c’est trop bête et honteux », a déclaré au New York Times M. Geffen qui avait promis 100 millions de dollars sur un projet évalué à 500 millions de dollars. « New York mérite d’avoir la meilleure salle de concert pour la Philarmonie. New York devrait avoir le meilleur de tout. »
La crise a été déclenchée lorsque le New York Philarmonic et le Lincoln Center ont décidé de renoncer à la rénovation de sa salle, qui aurait porté le nom de M. Geffen, lorsqu’il s’est avéré notamment qu’elle pourrait être fermée pour trois saisons, voire quatre, au lieu de deux prévues. L’histoire traîne depuis vingt ans. Un projet de l’architecte Norman Foster n’a pas abouti, l’orchestre a envisagé de redescendre à Carnegie Hall et n’a jamais trouvé le moyen de survivre pendant la durée des travaux.
Le dernier projet, lancé en 2015, devait conserver la structure du Lincoln Center conçu par Max Abramovitz en 1962, avec une reconstruction complète de la salle. Le plan, très compliqué, prévoyait d’abaisser le niveau de l’auditorium pour le mettre au niveau de la place du Lincoln Center. L’affaire a donné lieu à d’intenses tractations entre le centre, gestionnaire du bâtiment et le New York Philarmonic, principal locataire de la salle. Désormais, des plans de rénovations progressifs sont envisagés, pour améliorer notamment l’acoustique.
Des projets culturels repoussés ou abandonnés
L’attaque de M. Geffen a suscité un émoi. La présidente du Philharmonic, Deborah Borda a défendu les New Yorkais : « Je continue de penser que New York est la ville la plus généreuse du monde, et les New Yorkers les plus généreux : regardez les institutions qu’ils soutiennent », tandis que la présidente du Lincoln Center, Katherine Farley a estimé que le retrait du projet n’était pas seulement un problème de financement. « Nous avons simplement pris une autre direction », a-t-elle confié au New York Times.
Il n’empêche, le malaise est patent d’autant que l’affaire dépasse le Philarmonic. En début d’année, le Metropolitan Museum – le Met, qui ne sera pas à l’équilibre financier avant la fin de la décennie – a repoussé d’au moins sept ans ses plans pour créer une aile consacrée à l’art moderne et contemporain pour 600 millions de dollars. Mi-septembre, le milliardaire Barry Diller a jeté l’éponge sur un projet visant à construire un centre culturel, comportant un amphithéâtre et deux scènes musicale et théâtrale, sur une île artificielle de l’Hudson River, à l’ouest de Manhattan. Le prix s’était envolé de 35 à 250 millions de dollars et le projet était contesté par un groupe d’opposants.
Si les précédents maires de New York, notamment Michael Bloomberg, ont investi dans de grands projets culturels, ce n’est pas le cas du maire actuel Bill de Blasio, qui préfère une politique plus décentralisée, faite de projets plus modestes mais qui profitent aussi aux New Yorkais qui ne résident pas à Manhattan.