Au Mozambique, l’assassinat d’un maire d’opposition ébranle une paix fragile
Au Mozambique, l’assassinat d’un maire d’opposition ébranle une paix fragile
Par Adrien Barbier (Johannesburg, correspondance)
Reconnu pour son combat contre la corruption, Mahamudo Amurane, édile de la troisième ville du pays, a été assassiné devant chez lui.
Le 4 octobre est un jour férié au Mozambique, consacré à la paix et à la réconciliation nationale. Cette année, le pays célébrait les vingt-cinq ans des accords de Rome, qui ont mis fin en 1992 à seize années d’une guerre civile sanglante. Cette année, le maire de Nampula, la troisième ville du pays, reconnu pour son combat contre la corruption, a été assassiné devant chez lui.
Mercredi 4 octobre au soir, Mahamudo Amurane, 44 ans, a été atteint de trois balles devant la pharmacie qui lui appartient, au rez-de-chaussée de son domicile. L’assaillant, un inconnu, a pris la fuite. D’après la police, il serait trop tôt pour déterminer le motif du crime. Mais, au vu des réactions de toutes parts qui se multiplient depuis, les motivations ont tout l’air d’être éminemment politiques.
Un meurtre « tragique, déplorable et suspect »
Chose rare au Mozambique, où les assassinats de personnalités publiques sont légion ces dernières années, le lendemain, jeudi 5 octobre, des foules énervées se sont spontanément regroupées devant les édifices publics pour demander justice. Les policiers ont procédé à des tirs d’avertissement pour disperser les manifestants. « Nous avons assisté à une tentative de marche illégale, caractérisée par des pneus mis à feu dans les rues », a justifié le porte-parole de la police mozambicaine, Inacio Dina.
This is how the residents of Nampula reacted to the assassination of their mayor, Mahumudo Amurane. https://t.co/YkE5ennvuT
— zenaidamz (@Zenaida Machado)
Maire de Nampula, Mahamudo Amurane était aussi l’un des rares élus d’opposition d’envergure. En 2013, il a ravi cette municipalité stratégique au Frelimo, l’ancien mouvement de libération au pouvoir depuis l’indépendance. Elu sous les couleurs du Mouvement démocratique du Mozambique (MDM), le troisième parti représenté au Parlement, il était depuis plusieurs mois en rupture avec cette formation.
« Depuis sa prise de fonction en 2013, le maire de Nampula luttait courageusement contre la corruption. De toute évidence, cela faisait de lui une cible, même au sein de son propre parti », a déclaré Deprose Muchena, d’Amnesty International, qui dénonce un meurtre « tragique, déplorable et suspect ».
Des pratiques de corruption bien enracinées
Mahamudo Amurane a révolutionné sa ville, une bourgade sans charme avec un fort taux de criminalité. Gage de transparence, les recettes et dépenses du conseil municipal sont régulièrement postés sur la page Facebook de Nampula. Une politique qui avait son lot de mécontents, parmi les tenanciers de buvettes illégales récemment « nettoyées », ou certains intérêts du secteur privé local aux pratiques de corruption bien enracinées. Le conflit ouvert avec le MDM, qui lui aurait reproché de ne pas mettre les fonds publics à disposition du parti, était une préoccupation quotidienne dans sa gestion de la municipalité. Ces derniers jours, il se déplaçait sous protection policière.
Daviz Simango, le président du MDM, a immédiatement rejeté toute accusation. « Beaucoup de personnes sur les réseaux sociaux font de la désinformation. Laissons la justice faire son travail. Ceux qui veulent que le MDM disparaisse veulent le discréditer et font cela pour nous affaiblir », a-t-il réagi jeudi. De leur côté, ses proches pointent du doigt le Frelimo et l’accusent de chercher à semer la zizanie, à un an des élections municipales prévues pour octobre 2018.
Cet assassinat intervient alors que le processus de paix a enregistré de nombreuses avancées ces dernières semaines. Depuis la trêve unilatérale décrétée à Noël 2016 par la Renamo, le principal parti d’opposition, les armes se sont tues au Mozambique, mettant un cran d’arrêt à l’engrenage de violences qui, depuis 2013, laissait présager un retour à la guerre civile.
En août, le président Filipe Nyusi est parti en hélicoptère à la rencontre du chef rebelle Afonso Dhlakama, qui vit retranché dans les montagnes de Gorongosa, au centre du pays. Une opération savamment orchestrée, à l’insu des réfractaires de son propre parti, qu’il a mis au pas fin septembre lors du congrès quinquennal du Frelimo. Dhlakama, de son coté, a promis pour novembre un nouvel accord de paix, encore incertain.