L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Venu d’un immense pays dont les films n’arrivent jamais sur les écrans français, adaptation contemporaine d’une des pièces de Shakespeare les moins jouées, promenade dans une ville inédite au cinéma pour les spectateurs occidentaux, Rahm, la clémence présente assez de traits singuliers pour éveiller la curiosité. Les frères Jamal (Mahmood, production et scénario, Ahmed, réalisation) se sont emparés de Mesure pour mesure, pièce créée à Londres en 1603 et l’ont implantée dans les rues de Lahore, au Pakistan, au temps des téléphones portables.

Shakespeare mettait en scène un régent bigot et luxurieux, prêt à faire décapiter un homme dont le seul crime était de ne pas avoir fait enregistrer son mariage. Le rigorisme chrétien au temps d’Elisabeth Ire trouve un écho troublant lorsqu’il se mue en intégrisme musulman. Dans Rahm, le gouverneur intérimaire de Lahore est un fanatique au physique de Raspoutine, qui laisse échapper son chapelet lorsqu’il découvre la chevelure de la sœur du condamné à mort venue implorer sa clémence.

Petits plaisirs rares

Sans jamais s’écarter de l’intrigue shakespearienne, le scénario en dévide les conséquences absurdes et dramatiques. Les vieux procédés (travestissements, échanges d’identité…) ne se prêtent pas toujours à la fiction cinématographique et la volonté d’y faire entrer la modernité à grand renfort de sonneries de téléphones portables nuit souvent à l’harmonie de ce long-métrage.

Reste que le ressort principal du film – la puissance du patriarcat, qu’il soit maléfique ou bienveillant – se détend avec la même vigueur dans l’Angleterre du XVIIe siècle que dans le Pakistan d’aujourd’hui. Comme l’image est de qualité, qu’on entend à l’occasion d’excellents musiciens qawwali, et que la caméra sait aussi flâner dans les rues et les ruelles de Lahore, le spectacle de Rahm offre un assortiment de petits plaisirs rares au cinéma.

Rahm // Bande Annonce Officielle // VOSTFR
Durée : 01:22

Film pakistanais d’Ahmed Jamal. Avec Sanam Saeed, Sajid Hasan, Sunil Shanker (1 h 44). Sur le Web : www.jupiter-films.com/film-rahm-78.php