Emmanuel Macron parle ce soir sur TF1 pour montrer « aux Français le travail accompli »
Emmanuel Macron parle ce soir sur TF1 pour montrer « aux Français le travail accompli »
Par Bastien Bonnefous
Le chef de l’Etat répondra dimanche à 20 heures aux questions de trois journalistes. Depuis cinq mois, il avait au contraire fait le choix d’une communication verrouillée.
« La justice, c’est comme la Sainte Vierge, si elle n’apparaît pas de temps en temps, le doute s’installe. » Cette réplique de Michel Audiard peut s’appliquer également à la parole d’Emmanuel Macron, qui a décidé de rompre dimanche 15 octobre avec sa rareté médiatique depuis son entrée en fonctions. A 20 heures sur TF1, le chef de l’Etat répondra pendant près d’une heure aux questions des journalistes Anne-Claire Coudray, Gilles Bouleau et David Pujadas, depuis le « salon d’angle » qui jouxte son bureau à l’Elysée.
Envisagée depuis la fin de l’été mais décidée par le président de la République il y a deux semaines, cette prestation télévisuelle a été annoncée vendredi soir par le Château. Objectif : dresser un bilan détaillé de ces premiers mois à la tête du pays. « Il veut faire mesurer aux Français l’ampleur du travail accompli en cinq mois et tracer les prochaines étapes », résume le porte-parole de l’Elysée, Bruno Roger-Petit.
Une manière pour le M. Macron de « rappeler qu’il fait ce qu’il avait dit pendant la campagne », explique-t-on dans son entourage. Un grand oral en forme de « bilan et perspectives », avec un message principal à faire passer, dans l’esprit de celui porté par sa victoire présidentielle : « l’ancien système est en passe d’être profondément transformé », résume un conseiller.
L’exécutif interpellé de toutes parts
Depuis cinq mois, le chef de l’Etat avait, au contraire, fait le choix d’une communication verrouillée, en multipliant les discours officiels sans questions – devant le Congrès à Versailles, au pied du Parthénon à Athènes, à La Sorbonne, etc. – et en préférant l’image ou l’expression directe sur les réseaux sociaux de l’Elysée aux échanges avec des journalistes. Ses interviews se comptaient sur les doigts d’une main : avant un long entretien ce samedi dans l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, on peut citer celui accordé à huit journaux européens en juin, un autre à Ouest France en juillet, et un dernier – fleuve – au Point fin août.
En septembre, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, il s’était aussi exprimé sur CNN (comme sur France 2, en juillet, à l’occasion du Tour de France). Une sobriété médiatique, surtout vis-à-vis des canaux audiovisuels, voulue par M. Macron pour rompre avec ses deux prédécesseurs à l’Elysée, Nicolas Sarkozy et François Hollande, au point de ne pas se plier à la traditionnelle interview du 14-Juillet.
Mais la prise de parole présidentielle sur TF1 intervient alors que l’exécutif est interpellé de tous côtés – des partenaires sociaux au Parti socialiste (PS), en passant par le MoDem et même par le parti présidentiel La République en marche (LRM) – pour renouer avec une partie des Français et infléchir sa politique vers davantage de justice sociale. M. Macron a lancé cette semaine la seconde étape de sa « transformation » sociale, avec les réformes de l’assurance-chômage et de la formation professionnelle, après celle, réalisée par ordonnances et contre une partie des syndicats, du code du travail.
L’étiquette d’un « président des riches »
Le débat budgétaire et fiscal en cours, tel qu’il s’est installé, a collé au chef de l’Etat l’étiquette, amplement relayée par l’opposition, d’un « président des riches », préférant favoriser les Français les plus aisés au détriment des précaires et des classes populaires.
Malgré les explications du gouvernement, les revalorisations des minima sociaux, de l’allocation adulte handicapé et de la prime d’activité programmées dans le budget 2018 n’ont pas réussi à supplanter dans l’opinion, et notamment sur le flanc gauche de l’électorat de M. Macron, la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et son remplacement par une taxe sur la fortune immobilière (IFI), ou la baisse de l’aide personnalisée au logement (APL) et la réduction des emplois aidés.
Au point que dans son propre camp, des députés LRM exhortent le chef de l’Etat à un meilleur « équilibre social ». Une mauvaise image renforcée par ses récentes sorties sur les « fainéants » ou le « bordel » qui l’ont fait passer pour un « chef » méprisant toute critique de son action.
« Je ne fais pas ça pour aider les riches », répond M. Macron dans le Spiegel, à propos de sa réforme de l’ISF. Défendant avant tout l’efficacité de son plan de relance économique, il prend pour contre-exemple les choix fiscaux de M. Hollande en 2012, quand il était pourtant son bras droit à l’Elysée, comme secrétaire général adjoint de la présidence de la République. « Mon prédécesseur a taxé les riches et ceux qui réussissent à des taux jamais égalés. Et qu’est-il arrivé ? Ils sont partis. […] Est-ce que le chômage a baissé ? Non », explique-t-il.
« Je ne suis pas arrogant avec les Français »
Fidèle à son franc-parler, le chef de l’Etat explique aussi dans l’hebdomadaire allemand s’être préparé à être « insulté » et « moqué », et critique les médias qui « sont souvent les premiers à entretenir la méfiance ». Il fustige surtout la « jalousie française [qui] paralyse le pays » contre ceux qui réussissent – lui compris, quand il moque « certains [qui] aimeraient me coller une étiquette comme des chercheurs le feraient avec un papillon séché pour dire : ‘’Regardez, c’est le banquier qui n’aime pas les gens’’ ».
« Je ne suis pas arrogant avec les Français, je suis déterminé », prend soin de préciser M. Macron, qui rappelle au passage qu’il vient de la « classe moyenne provinciale ». « Si je ne les aimais pas, je ne serais pas ici », ajoute-t-il à propos des Français, assurant vouloir privilégier « le contact direct » avec eux. Un président qui se voudrait presque « normal » en somme, si, comme dans son entretien au Point fin août, il ne disait vouloir « renouer avec l’héroïsme en politique » et avec le « récit historique » pour redonner une « grandeur » et un « nouveau départ » à la France et à l’Europe.
« En forçant le trait, on pourrait dire que la France est un pays de monarchistes régicides, ou encore que les Français élisent un roi, mais qu’ils veulent à tout moment pouvoir le renverser », résume-t-il, comme un écho à son analyse de « l’absence de la figure du roi » dans l’inconscient hexagonal développée en juillet 2015 dans l’hebdomadaire Le 1. Avant toutefois de préciser, devant les journalistes allemands : « Ne vous inquiétez pas, je ne me prends pas pour un roi. »