Au Togo, l’arrestation d’un imam proche de l’opposition met le feu aux poudres
Au Togo, l’arrestation d’un imam proche de l’opposition met le feu aux poudres
Le Monde.fr avec AFP
L’opposition dénonce « l’enlèvement » d’Alpha Alassane, voix contestataire reconnue, alors que les manifestations reprennent pour exiger le départ du président Gnassingbé.
De violents heurts ont éclaté à Sokodé après l’arrestation, lundi 16 octobre, d’un imam proche des opposants du Parti national panafricain (PNP). Selon le gouvernement togolais, qui a dénoncé mardi des « actes à visée terroriste », les violences dans la deuxième ville du pays ont fait trois morts dont « deux militaires en faction » devant le domicile du ministre de l’agriculture « lynchés et exécutés » avant que leurs armes ne soient emportées. Selon le communiqué des autorités, « un jeune a également trouvé la mort et une vingtaine de blessés [a été] enregistrée parmi les civils et les forces de sécurité. » Cette dernière victime est, selon le directeur d’Amnesty International au Togo, un apprenti tapissier qui aurait reçu de « petites balles de plomb dans le corps ».
Les violences qui se sont propagées dans la nuit dans plusieurs villes du pays ont éclaté lundi soir. « L’électricité a été coupée vers 19 heures, après la prière et cinq véhicules de la gendarmerie sont arrivés pour enlever Alpha Alassane, un imam très reconnu dans la ville », a raconté à l’AFP Ouro Akpo Tchagnaou, le coordinateur de l’Alliance nationale pour le changement, un parti d’opposition. « La population s’est sentie visée et est sortie dans les rues », a-t-il ajouté en indiquant que les échauffourées ont duré toute la nuit. Selon des sources concordantes, des domiciles de cadres du pouvoir, un bureau de banque, la poste et un bâtiment de la compagnie de téléphonie TogoCell ont été incendiés ou saccagés.
Le calme était revenu mardi matin, mais la population a menacé de ressortir dans la rue si l’imam n’était pas libéré.
Limitation du nombre de mandats présidentiels
A Agoé, le fief des partisans du PNP dans la capitale togolaise, où réside son leader Tikpi Atchadam, deux bureaux des douanes ont été incendiés et des pneus brûlés étaient encore visibles mardi matin aux abords des voies quadrillées par les forces de l’ordre. Le siège du PNP à Agoé est lui aussi parti en flammes.
Le ministre de la sécurité, le colonel Yark Damehame, a justifié sur les ondes de Radio Victoire l’arrestation de l’imam en affirmant que « dans ses prêches, il appelle ses fidèles à la violence et à la haine (…) Le comble, vendredi dernier, il a au cours de ses prêches appelé ses fidèles à tuer des militaires ».
L’imam Alassane a toujours été une voix contestataire au Togo, mais dans un contexte de tensions politiques accrues, il s’est rapproché du PNP dirigé par Tikpi Atchadam, la figure de proue de la contestation de ces derniers mois.
Le PNP s’est allié à treize autres partis de l’opposition pour demander le retour à la Constitution de 1992 qui limite à deux du nombre de mandats présidentiels, et la démission du président Faure Gnassingbé, élu en 2005 dans la violence.
Ce regain de tension intervient alors que de nouvelles marches de l’opposition sont prévues le 18 octobre sur l’Assemblée nationale et le lendemain sur le siège de la Communauté économique des états d’Afrique de l’ouest (Cédéao). Des débordements sont à craindre, le gouvernement ayant interdit les manifestations les jours de semaine.
Depuis le mois d’août, le pays est agité par une contestation qui se remobilise régulièrement, comme les 6 et 7 septembre, où plusieurs dizaines de milliers de personnes étaient descendues dans la rue dans tout le pays pour exiger la fin du règne de la dynastie Gnassingbé, au pouvoir depuis cinquante ans.