Afrique du Sud : un « troisième homme » pour la succession de Jacob Zuma à la tête de l’ANC
Afrique du Sud : un « troisième homme » pour la succession de Jacob Zuma à la tête de l’ANC
Le Monde.fr avec AFP
Zweli Mkhize, le très influent trésorier du Congrès national africain, se présente en candidat du consensus, seul capable de maintenir l’unité du parti.
Jamais la rupture n’aura semblé aussi proche. A deux mois de son verdict, le duel pour la succession du président sud-africain, Jacob Zuma, n’en finit plus de déchirer le Congrès national africain (ANC), au point d’avoir fait émerger un « troisième homme ». Au pouvoir depuis les premières élections post-apartheid en 1994, le parti de l’icône Nelson Mandela doit élire en décembre son nouveau patron, qui pourrait devenir deux ans plus tard chef de l’Etat en cas de victoire aux élections de 2019.
Depuis des mois, la compétition se résumait à un face-à-face entre le vice-président Cyril Ramaphosa, 64 ans, un syndicaliste reconverti en richissime homme d’affaires, et l’ex-patronne de l’Union africaine (AU) et ancienne épouse de Jacob Zuma, Nkosazana Dlamini-Zuma, 68 ans.
Candidat surprise
Dans une ambiance de fin de règne électrisée par les multiples affaires de corruption qui visent Jacob Zuma, leur bataille a vite tourné à la guerre de tranchées. Attaques publiques, menaces, plaintes devant la justice, les deux camps se rendent coup pour coup, au point d’apparaître désormais totalement irréconciliables.
De la fumée qui recouvre ce champ de bataille vient de surgir un inattendu candidat surprise, Zweli Mkhize. A 61 ans, le très influent et matois trésorier du parti se présente en candidat du consensus, seul capable de maintenir l’unité de l’ANC et de lui éviter une défaite historique dans deux ans.
Depuis plusieurs semaines, Zweli Mkhize fait campagne en quadrillant méthodiquement le pays et les sections locales du parti, dont il séduit les militants à grands coups de discours dénonçant les dérapages des élites. « Lorsque les gens critiquent l’ANC, il faut accepter qu’ils ne mentent pas », a-t-il déclaré la semaine dernière à un auditoire conquis de Kasigo, un township de Johannesburg. « Ils disent que nous avons des dirigeants qui sont arrogants (…). A nous de leur prouver que nous méritons d’être élus. »
Médecin de formation, le trésorier de l’ANC est un militant chevronné, jusque-là épargné par les scandales qui ont éclaboussé une bonne partie de ses dirigeants et du gouvernement. Jacob Zuma est accusé de soutenir son ex-femme dans le seul but qu’elle lui assure l’impunité une fois redevenu simple citoyen.
Eviter un désastre électoral
Sa victoire pourrait décider de nombreuses personnalités du mouvement à faire sécession, pronostiquent les observateurs. « Ce combat des chefs fait courir à l’ANC un gros risque d’éclatement », résume l’analyste politique Stephen Grootes.
Une victoire de l’ancienne épouse de Zuma mettrait le parti en difficulté en 2019, car elle n’a pas l’appui de l’électorat noir urbain, selon M. Grootes. Et celle de M. Ramaphosa causerait la fuite des fidèles de M. Zuma, qu’il inquiète par ses promesses de nettoyer le parti. « Nous savons que les autres envisagent de former un nouveau parti s’ils perdent en décembre », a confié cette semaine une proche de Mme Dlamini-Zuma, la ministre Bathabile Dlamini. « Mkhize dit qu’il peut garder la confiance des amis du président et en même temps relancer l’économie et éliminer la corruption, souligne Stephen Grootes. Il est le seul compromis possible (…). Il a une chance de l’emporter. »
Le « troisième homme » de la course reste pour l’heure très prudent sur ses ambitions et ses chances de réussite. « Les militants de l’ANC veulent bien connaître ceux qui se présentent pour les représenter », a expliqué M. Mkhize à l’AFP. Il s’est dit persuadé que le parti « survivra » à ce qu’il qualifie de « douloureuse crise de croissance démocratique ». Ses partisans n’en sont pas convaincus et voient en lui celui qui pourrait éviter à l’ANC un désastre électoral en 2019. « Il y a tant de rivalités qu’une séparation est possible », s’inquiète une militante, Sihle Sibisi, 40 ans. « Les gens sont fatigués de tout ça. Nous avons besoin de quelqu’un capable de rassembler, sinon nous aurons un gros problème avec nos électeurs. »