Occupation de la mosquée de Poitiers par l’organisation d’extrême droite Génération identitaire, le 20 cotobre 2012. / - / AFP

Autant ils avaient recherché la lumière il y a cinq ans, jour pour jour, autant cette fois ils ont fui les questions. Cinq militants de l’organisation d’extrême droite Génération identitaire et l’association elle-même comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Poitiers, vendredi 20 octobre. Ils étaient jugés pour avoir organisé l’occupation pendant quelques heures, le 20 octobre 2012, du toit de la mosquée en construction de la commune limitrophe de Buxerolles par 73 militants de leur organisation. Mais vendredi, quatre d’entre eux ont refusé de se rendre à la convocation du tribunal. Le cinquième, Damien Lefevre, plus connu dans ses activités politiques sous le nom de Damien Rieu, et le président de Génération identitaire, Arnaud Martin, seuls présents, ont refusé de répondre aux questions après avoir lu une déclaration liminaire dans laquelle ils se prévalaient d’avoir été, en 2012, des « lanceurs d’alerte » et d’avoir « eu raison trop tôt », par référence aux attentats djihadistes qui ont été commis en France de 2015 à 2017.

Sous les caméras de BFM-TV, dûment alertées, ils avaient à l’époque déployé sur le toit de la future mosquée des banderoles proclamant : « Souviens-toi de Charles Martel » et « Construction de mosquée-immigration-référendum », et crié des slogans : « L’identité, on s’est battu pour la reprendre, on se battra pour la défendre », « Gaulois, réveille-toi, pas de mosquée chez toi », entre autres. Cela leur valait d’être poursuivis pour provocation « à la discrimination, à la haine ou à la violence » à l’égard des musulmans. La justice leur reprochait en outre d’avoir détérioré des tapis de prière et des dispositifs antipigeons sur le bâtiment en construction.

Liberté d’expression

C’est pourtant sur le terrain de la liberté d’expression que, palliant le mutisme de leurs clients, les avocats de la défense ont porté le débat. Ils ont affirmé tour à tour que les banderoles et les slogans visaient d’abord à promouvoir l’idée d’un référendum sur la construction de mosquées et l’immigration et en aucun cas à stigmatiser une communauté religieuse. Cela dit, ils se sont livrés à une attaque en règle de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), aujourd’hui rebaptisée Musulmans de France, propriétaire de la mosquée de Buxerolles et à laquelle appartient son imam, Boubaker El Hadj Amor, et plus généralement de la place de l’islam en France. « Choisir Poitiers, a affirmé Frédéric Pichon, l’avocat de Benoît Vardon, c’était une réponse du berger à la bergère : vous ne serez pas maître chez nous. »

En face d’eux, l’imam de la mosquée a témoigné que, depuis cette action, « il n’y a pas un mois d’octobre sans que des fidèles viennent me voir la peur au ventre. Ce qui a été fait a ouvert une boîte de Pandore. » « Ce qui est condamnable, a affirmé le procureur de la République, c’est l’ensemble de la mise en scène qui visait exclusivement une communauté religieuse afin de la bannir de l’espace public. » Le ministère public a requis une peine qui « ne doit pas seulement être symbolique pour matérialiser le risque pénal » de tels actes, à savoir 12 mois de prison avec sursis et une mise à l’épreuve de deux ans pour chacun des prévenus. Jugement le 7 décembre.