Robert Mugabe, nommé ambassadeur de l’OMS pendant cinq jours
Robert Mugabe, nommé ambassadeur de l’OMS pendant cinq jours
Par Laurence Caramel, Paul Benkimoun
La décision du directeur général de l’institution onusienne avait provoqué une volée de critiques internationales et des ONG.
Le président zimbabwéen Robert Mugabe à Pretoria (Afrique du Sud), le 3 octobre 2017. / PHILL MAGAKOE / AFP
A peine nommé, sitôt désavoué : Robert Mugabe, 93 ans, dont trente-sept à la tête du Zimbabwe, n’aura eu que cinq petits jours pour savourer l’honneur d’être choisi comme ambassadeur de bonne volonté par le directeur général de l’Organisation mondiale de santé (OMS). Un poste traditionnellement réservé à des personnalités des arts ou du sport dont la réputation et l’intégrité doivent servir les causes défendues par les Nations unies.
Dimanche 22 octobre, l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, submergé par les critiques venant de toutes parts, a préféré revenir sur sa décision. « Ces derniers jours, j’ai réfléchi à ma nomination du président Robert Mugabe en qualité d’ambassadeur de bonne volonté de l’OMS pour les maladies non transmissibles en Afrique et j’ai décidé d’annuler ma nomination », a annoncé le chef de l’OMS.
Est-ce la faute d’un débutant arrivé à la tête de l’institution il y a cinq mois ? Dans les institutions de l’ONU, la nomination d’un ambassadeur de bonne volonté est une prérogative du directeur général et n’a pas besoin d’une validation par les Etats membres. Des directives existent cependant pour définir le profil du candidat idéal. Selon des témoignages recueillis par Le Monde, la décision aurait été prise sans consultation ou presque par M. Tedros. Premier Africain à occuper le poste, il n’est pas issu du sérail de l’ONU et ne serait pas, en conséquence, familier de leurs procédures.
Voilà pour la forme. Mais sur le fond, M. Tedros n’a pas non plus mesuré la provocation que constituait son choix pour les Etats membres occidentaux de l’OMS. Les Etats-Unis, qui ont placé le régime de M. Mugabe sous sanctions pour ses violations des droits de l’homme, ont été les plus virulents à réagir. Les ONG sont aussi montées au créneau pour dénoncer cette étrange récompense pour un pays dont le système de santé s’effondre avec l’ensemble des services publics et dont le dirigeant va se faire soigner à Singapour.
Evidente complaisance
Le 18 octobre, en annonçant la nomination de M. Mugabe lors d’une réunion de l’OMS à Montevideo (Uruguay), pour laquelle le dictateur avait fait le déplacement, le directeur général avait loué ce pays « qui a placé la promotion de la santé et de la couverture maladie universelle au cœur de ses politiques ». Pourtant, en dehors de quelques réussites comme la lutte contre le sida financée par l’aide extérieure, les indicateurs sont au rouge. Le nombre de médecins pour 100 000 personnes est passé de 14 à la fin des années 1990 à 0,8 en moyenne aujourd’hui.
L’ancien ministre de la santé de l’Ethiopie pouvait-il l’ignorer ? Il semble que les circonstances de l’élection de M. Tedros puissent justifier une évidente complaisance. Au siège de l’institution, à Genève, certains n’hésitent pas à parler d’« un renvoi d’ascenseur ». M. Mugabe, qui continue de bénéficier d’un fort crédit auprès de ses pairs, présidait le Conseil exécutif de l’Union africaine du 26 janvier 2016, où fut retenue la candidature de M. Tedros au détriment de l’autre prétendante, la Sénégalaise Awa Marie Coll Seck. Et sa voix avait penché en faveur de l’Ethiopien.
Au milieu des doutes qui planent désormais sur son mandat, M. Tedros est néanmoins reconnu pour avoir su revenir rapidement sur sa décision, là où ses prédécesseurs avaient pour habitude de refuser de se déjuger. Une preuve d’intelligence politique pour un dirigeant qui, jusque-là, avait plutôt été accueilli favorablement, n’hésitant pas à nommer une équipe de direction très féminisée (60 %) et composée de personnalités compétentes.